Le New York Times* nous fait un beau cadeau en diffusant, en libre accès et en version originale, l’hilarant court métrage de Nikita Diakur, Backflip.
Le microcosme médiatique spécialisé dans la création animée rechigne encore à considérer sérieusement le travail marginal de ce réalisateur russe installé en Allemagne. Cela n’a rien d’étonnant mais c’est bien regrettable.
Au pire réduit à des expériences de potache, au mieux négligemment jeté dans un recoin indéfini de la « vallée dérangeante » (uncanney valley) sans même expliquer ce que l’expression désigne, le cinéma expérimental – c’est-à-dire qui questionne la matière même des médiums et médias auxquels il a recours – de Nikita Diakur mériterait une attention un peu plus poussée.
Divertissement par l’absurde, critique et même politique, il possède simultanément la rare double-vertu de nous faire rire tout en dressant un portrait radicalement pathétique de l’homo numericus contemporain, de sa dépendance aux flux ininterrompus de contenus en ligne (de coaching et d’apprentissage, notamment), de sa désocialisation volontaire ou subie, de sa techno-croyance béate, de son attraction-rejet des applications reposant sur l’intelligence artificielle générative, autrement dit, de la vacuité de son existence déconnectée du vivant.
Backflip (salto-arrière) expose le laborieux auto-apprentissage de l’avatar numérique du réalisateur pour effectuer un salto-arrière dans différents environnements virtuels.
Sa quête aussi inutile qu’essentielle commence sur un stade et se termine sur la tête du Sphinx de Gizeh, au sommet du vide.
Le film est distribué en France par Miyu (évidemment) et déploie toute son amplitude cosmique sur écran de cinéma.
A bons entendeurs.
* Cartoon Brew le reprend à son compte, au cas où.
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