Capture de mouvement (motion capture)
Procédé de détection des mouvements exacts d’un acteur ou d’un objet articulé pour application sur un modèle numérique en trois dimensions.
L’exemple le plus emblématique de ce trucage de cinéma est la performance (on parle aussi de « performance capture« ) de l’acteur Andrew Serkis pour le personnage de Gollum dans la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson.
La multiplication des capteurs posés sur le corps et sur le visage de Serkis a permis de restituer sur un pantin virtuel les subtilités du jeu des expressions faciales de l’acteur, subtilités nécessaires à conférer la crédibilité physique au personnage monstrueux et susciter l’empathie du spectateur à son égard.
D’aucuns peuvent considérer, à tort, que la capture de mouvements n’entre pas dans le champ de l’animation. Il est possible de leur objecter qu’une fois capturées et appliquées à un personnage modélisé en images de synthèse, les phases de mouvement obtenues passent sous le contrôle d’un animateur qui les ajustent, les modifient, parfois en les altérant, pour une parfaite cohérence à l’intérieur de l’espace filmique de destination.
Le réseau de capteurs posés sur le corps et le visage de l’actrice Angelina Jolie pour son rôle dans le long métrage de Robert Zemeckis, Beowulf (2009).
Cartoon
Dès la fin du 19e siècle, le terme désigne littéralement une caricature simplifiée, notamment un dessin de presse humoristique.
Son utilisation est antérieure à l’invention du cinéma. Par extension, les premiers films d’animation burlesques produits en série aux États-Unis dès la fin de la première décennie du 20e siècle, lesquels ont largement puisés dans le registres des comic books (bandes dessinées), ont été appelés « cartoons » de par leur esthétique schématique éminemment caricaturale.
Le terme « cartoon » a été galvaudé par abus de langage, y compris chez les « historiens » de l’animation, pour désigner, non sans opportunisme suspect, aussi bien les dessins animés dans leur ensemble que l’art de l’animation.
Cette erreur dialectique, qui équivaut à réduire le cinéma à la seule comédie burlesque, a largement contribué à façonner l’image infantilisée, et pour le coup hyper-caricaturale, de la création animée.
Quizz : ces œuvres peuvent-elles être considérées comme des cartoons ?
• How to quit smoking de Bill Plympton
• Bambi meets Godzilla de Marv Newland
• The Great Cognito de Will Vinton
• L’araignée et la tulipe de Kenzo Masaoka
• L’homme qui plantait des arbres de Frédéric Back
• La faim de Peter Földès
Quelles que soient vos réponses, vous serez surpris de trouver – ou de ne pas trouver – certains de ces films qualifiés de « cartoon » dans des livres longtemps considérés comme des références.
Cell shading (illusion du celluloïd)
Procédé de texturage (application d’une texture numérique) simulant une colorisation en aplats et des contours dessinés, sur un modèle virtuel en trois dimensions.
Les logiciels d’images de synthèse étant par nature destinés à simuler les trois dimensions par le biais de faux éclairages (volumes, modelés, ombres portées), le cell shading (« cell » comme « cellulo ») ou « toon shading » possède une valeur esthétique parfaitement paradoxale. Sauf à se placer du point de vue strictement économique, puisqu’il entend se substituer à la coûteuse phase de colorisation des éléments mobiles d’un film d’animation dessiné, manuellement ou numériquement.
Application d’une texture de type « dessins animés traditionnel » sur un modèle 3D
Celluloïd (feuille de) ou « cellulo »
Feuille d’acétate transparente sur laquelle étaient, jusqu’à une période récente, reportés les tracés (au recto) et les couleurs (au verso) d’une phase d’animation dessinée.
Il devenait ainsi possible de superposer cette figure peinte sur un décor et d’empiler jusqu’à 4-5 celluloids peints pour une même image (1/24e de seconde).
Se discernent ici les limites de la feuille de celluloïd superposée au décor peint, généralement à la gouache.
La peinture utilisée pour les aplats de couleur au verso du cellulo était généralement de type « acrylique » (séchage rapide et tenue sur la surface lisse).
A chaque feuille de celluloïd correspond un personnage. On constate sur cette image que l’intensité des couleurs de l’arrière-plan est altérée par l’accumulation de feuilles transparentes.
Celluloïd semi-opaque
Certains cinéastes ont réussi à contourner les limitations graphiques imposées par l’usage de celluloïds transparents, en adoptant des celluloïds légèrement opaques, dont l’une des faces demeure abrasive et peut ainsi être crayonnée. Frédéric Back avait découvert ce support en côtoyant des architectes. Il s’en servit magistralement dans Crac !, L’homme qui plantait des arbres et Le fleuve aux grandes eaux.
Celluloïd crayonné original, sans son décor d’arrière-plan, extrait de L’homme qui plantait des arbres
Cinématique inverse
Dans les domaines de l’infographie et de l’animation assistée par ordinateur (2D, 3D), on désigne par cette expression un mode de mise en mouvement de formes reliées les unes ou autres par des articulations. Prenons l’exemple d’un bras mécanique articulé, fixé à un support immobile. Si un élément vient tirer sur l’extrémité libre du bras, l’ensemble du mécanisme articulé va réagir en conséquence, chaque articulation et chaque segment se déplaçant selon des trajectoires propres – en partie inverses à la force directrice du mouvement – et néanmoins dépendantes les unes des autres.
Autrement dit, sans les fonctionnalités de cinématique inverse proposées par les logiciels d’animation d’images de synthèse, pas de déplacement réaliste (physiquement crédible) possible.
Une fois le modèle virtuel soumis aux lois de la cinématique inverse, il devient aisé de coordonner ou de dé-coordonner les mouvements d’un pantin articulé.
Character design
Cette étape essentielle à la majorité des projets de films animés correspond à la modélisation (ou mise au modèle), au sens propre du terme, des personnages et objets à animer.
Plus un film est long et plus il nécessitera d’intervenants différents, plus le character design est crucial.
Les modèles établis, généralement sous forme de planches, détaillent le mode de construction, les proportions comparées, les expressions et gestes caractéristiques de chaque personnage ou accessoire destiné à se mouvoir à l’écran. Ces modèles, validés voire réalisés par le réalisateur du film, deviennent alors les références permanentes auxquelles se réfèreront les animateurs du film.
Quatre feuilles de modèle, ou planche de character design, du studio californien Klasky Csupo, pour la série The Rugrats.
Ces notices décrivent le mode de construction, proportions, physionomie et détails caractéristiques des personnages principaux.
Checking (vérification)
Quasiment toutes les étapes de fabrication d’un film animé nécessitent une vérification. Le réalisateur vérifie la conformité des plans à différentes étapes de leur conception. Le chargé de production vérifie le respect du planning de fabrication de chaque intervenant. Le superviseur de l’animation vérifie le travail de ses animateurs/animatrices subordonné.es, selon les planches de modèles et selon sa perception propre des mouvements à donner à un personnage pour une action spécifique, à un moment particulier du récit.
Le jargon de l’animation brasse ainsi les « checking animation », « checking layout« , « checking compositing« .
Par exemple, dans la hiérarchie de production japonaise, l’accumulation de chargés de production dédiés à la vérification du travail des différents animateurs – souvent indépendants et travaillant chez eux, pour plusieurs projets en même temps – est plus que nécessaire pour maintenir l’intégrité artistique des projets.
Chef opérateur son
Comme son titre l’indique, ce technicien dirige l’enregistrement de la bande sonore (musique, bruitage, dialogues) du film.
Il est parfois simultanément compositeur, preneur et truqueur de sons, et mixeur sur un même film.
Chronophotographie
Bien avant l’invention de la caméra, des individus, à la fois inventeurs, scientifiques et artistes, situés des deux côtés de l’Atlantique, ont mené des travaux similaires visant à décomposer les mouvements humains et animaux grâce à la photographie. 50 ans environ après l’invention de la photographie (vers 1830), Étienne-Jules Marey en France et Eadweard Muybridge aux États-Unis ont développé différents procédés ingénieux pour documenter une vérité invisible à l’œil humain.
Leurs travaux dits « chrono-photographiques » (photographies du temps), en particulier ceux de Muybridge consignés sous forme de planches dans une série de livres largement diffusés, constituent encore au 21e siècle des références pour les animateurs, confirmés comme débutants.
Il faut s’imaginer la complexité des dispositifs mis en place afin de réussir la prouesse pour l’époque de capturer des fractions de secondes d’un sujet en mouvement avec des appareils de photographie rudimentaires.
Le plus spectaculaire de ces dispositifs est incontestablement la piste photographique de Muybridge comportant 24 appareils reliés à des cordelettes. A mesure de leur progression le long de cette piste, divers sujets (marchant, courant, rampant, volant…) actionnent les appareils les uns après les autres.
Schéma de la piste photographique de Muybridge
En haut : homme sautant à la perche par E-J. Marey
En bas : homme marchant par E. Muybridge
Clean (ou clean up)
Utilisé comme substantif, ce terme anglais désigne un dessin de phase d’animation finalisé, c’est-à-dire « filmable » en l’état ou validé pour le report (traçage) sur feuille de celluloïd ou pour numérisation puis intégration dans un logiciel de colorisation assistée par ordinateur.
Le « clean« , dessin nettoyé de ses traits indésirables, s’oppose au « rough« , dessin esquissé/ »brut » considéré comme inexploitable car non-conforme à l’esthétique « propre » fixée initialement pour le film.
Le « rough » et le « clean » d’un même dessin
Les amoureux du dessin se rassureront du fait que de plus en plus de films d’animation (courts et longs métrages) renoncent à ce nettoyage de traits pour assumer pleinement les imperfections, les vibrations graphiques qui ont l’immense avantage de réduire la distance entre le spectateur et le geste artistiques.
Les films de Joanna Quinn, l’ultime long métrage d’Isao Takahata (Le conte de la princesse Kaguya) ou le premier long métrage de Sébastien Laudenbach (La jeune fille sans mains) sont de brillants exemples de cette approche « désaseptisée » de l’animation dessinée.
Colorisation (gouache)
La colorisation, et plus généralement l’application de l’art de la couleur au cinéma et en infographie, font l’objet de livres entiers.
Dans le contexte de ce glossaire vulgarisateur, on se contentera d’une description synthétique, cantonnée aux deux approches techniques principalement adoptées par l’industrie du film d’animation.
Dans le cadre d’une production artisanale, c’est-à-dire basée sur une économie et des ressources humaines limitées, les méthodes de colorisation sont aussi nombreuses que les médiums disponibles.
Dans tous les cas, la colorisation à l’échelle d’un film nécessite l’établissement d’une charte colorimétrique très précise, elle-même basée sur un nuancier de couleurs plus ou moins riche. Chaque nuance correspond à un numéro d’identification.
Numérotation des couleurs pour le personnage du roi de Takicardie
dans La bergère et le ramoneur de Paul Grimault
L’approche manuelle traditionnelle
Celle-ci est conditionnée par le support de réception des couleurs. En l’occurrence des feuilles de celluloïds, transparentes et lisses, sur lesquelles peu de matières, à la fois chromatiquement variées et peu coûteuses, adhérent suffisamment et résistent à de multiples manipulations.
Par raccourci, on utilise traditionnellement le terme de « gouachage » pour désigner les peintures destinées à la colorisation de celluloïds. Les « gouaches » en question étaient toutefois différentes de celles que l’on connaît dès l’école maternelle. Elles étaient mélangées à des liants et fixateurs spéciaux.
L’approche numérique
Depuis la fin des années 90 du 20e siècle, la colorisation sur celluloïds a disparu – sauf exceptions de plus en plus rares – du processus de fabrication d’un film d’animation.
L’intégralité de cette étape est assistée par ordinateur. Elle s’en trouve à la fois considérablement simplifiée et amplifiée en terme de nuances colorimétriques.
La notion de couleur laisse peu à peu la place à la notion de texture. Car les logiciels de colorisation cumulent désormais le traitement d’image (trace, retouche, « étalonnage », …) avec la mise en couleur à proprement parler.
Que ce soit en conservant le dessin sur papier ou en dessinant/animant directement sur palette graphique, cette action se traduit par le remplissage automatisé de zone prédéfinies avec des aplats à l’apparence plus ou moins élaborée (uniforme, dégradée, granuleuses, …).
Compositing
Le plan d’un film animé est, depuis l’origine de cet art, constitué d’éléments dissociés puis regroupés pour « recomposer » l’image à filmer.
Si le terme de « compositing » est par essence lié à l’usage de l’ordinateur et désigne un procédé infographique de superposition d’éléments pour composer les plans d’un film, il est néanmoins intimement lié aux modalités techniques établies bien avant l’intégration de l’ordinateur dans la chaîne de fabrication d’un film.
L’étape de compositing s’intègre dans la phase dite de « post-production » d’une œuvre audiovisuelle ; elle intervient donc après la fabrication de l’ensemble des éléments, visuels et sonores. Cette phase relève essentiellement du « trucage numérique » ou des « effets spéciaux ». Néanmoins, les logiciels de compositing ont été rapidement dévoyés de leur vocation principale pour réaliser des phases, séquences ou films entiers d’animation.
L’infographiste en charge du compositing récupère dans un même logiciel les différents éléments – ou assets (dans le jardon technique) – susceptibles de re-composer un plan : acteur filmé sur fond vert ou pantin numériques modélisé/animé, décors d’arrière-plan et de premier plan, effets visuels divers (atmosphériques, explosions, trucages organiques, …), couches diverses d’altération de la colorimétrie ou de l’éclairage de l’image, « pochoir » (masque) virtuels, …
Différents éléments d’un plan de l’Ile aux chiens de Wes Anderson : de haut en bas, les marionnettes dans leur chariot suspendu sur fond vert, le décor en volume de la décharge sur fond vert, les tourbillons de la mer filmés sur un autre plateau, le plan final intégrant aussi une image de ciel.
Concept art
Cet anglicisme désigne l’ensemble des savoir-faire qui permettent de développer l’univers visuel d’un projet graphique ou cinématographique : son esthétique globale, ses ambiances de couleurs, l’atmosphère variable de ses différentes scènes, …
Les compétences du concept artist lui ouvre aussi l’accès aux secteurs professionnels de l’illustration, des bandes dessinées, des jeux vidéos, de la communication, de la muséographie, entre autres.
Illustration d’inspiration de Mary Blair, l’une des plus célèbres et talentueuses concept artists de l’âge d’or des studios Disney
Courbe d’animation
Une courbe d’animation reprend le principe des courbes de Bézier constituées de « points d’ancrage » ou « points de contrôle » (tangent) associés à des vecteurs extensibles.
Sur une courbe d’animation, chaque point de contrôle correspond à une pose-clés (poses principales) du mouvement. Les phases entre deux poses-clés sont « interpolées », c’est-à-dire calculées automatiquement par l’ordinateur.
En tirant sur les vecteurs de chaque point de contrôle, l’infographiste ajuste le timing entre chaque pose-clé d’un mouvement.
Visuel de promotion du logiciel libre Blender qui évoque la représentation générale de ces courbes,
ainsi que la possibilité de les associer à l’animation d’un même personnage et de ses accessoires .
Croquis (thumbnail sketches)
On ne répétera jamais assez l’importance des ébauches graphiques, même les plus schématiques, dans toutes les phases de production d’un projet. Qu’il s’agisse d’une illustration ou d’un film entier, d’une phase précise de fabrication ou de planification d’une œuvre collective ou individuelle.
En phase de recherche, les croquis se substituent ou complètent les prises de vues photographiques d’inspiration ou de référence ultérieures.
En phase de fabrication, ils permettent de planifier simplement une tâche comme la réalisation des différents dessins d’un mouvement. Même dans un pipeline de production entièrement numérisé, ils sont systématisés à différents stades.
Ce simple croquis permet à Richard Williams, dans son livre-méthode « Techniques d’animation », d’expliquer les origines probables de l’échelle d’intervalles utilisée par les animateurs de dessins pour planifier leur travail, à travers une anecdotique discussion avec le vétéran Grim Natwick.
On comprend ici que pour animer les mouvements combinés du bras, de la tête et de la queue de cette souris, chaque élément sera dessiné selon un timing spécifique.
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