Capter le moment fuyant

capter_moment_fuyant_tezuka

 

Osamu Tezuka et l’invention de l’animation télévisée
de Samuel Kaczorowski
Éditions de L’Harmattan, 2017
284 pages
ISBN : 978-2-343-12441

 

Ce livre entrecroise l’exploration de deux pans de l’animation japonaise laissés en jachère par les historiens et critiques occidentaux des arts audio-visuels contemporains : les modalités constitutives de la production nippone de séries animées, d’une part, la contribution majeure d’Osamu Tezuka à la codification de ce registre, d’autre part.
Grâce aux expériences professionnelles tokyoïtes de quelques français, on commence seulement à mieux comprendre les dessous de fabrication de l’anime industriel.
Quant à l’étude de l’œuvre animée d’Osamu Tezuka et de ses disciples les plus zélés, elle stimule beaucoup moins les chercheurs, de par sa relative pauvreté artistique et sa faible résistance à la fuite des années. Au Japon même, une majorité de grands maîtres (1) de la discipline s’accordent sur les fausses routes empruntées par le « dieu du manga » dans sa quête illusoire – et peut-être insincère avec lui-même – d’égaler l’universalisme aseptisé de Walt Disney. Un objectif vain sur lequel d’autres, ailleurs dans le monde, se sont aussi fracassés, oubliant les éléments conjoncturels (sous-culturels, sociologiques, économiques, politiques, voire géo-politiques) qui ont facilité la propagation mondiale des modèles disneyens.

L’enquête menée par Samuel Kaczorowski, l’auteur de ce livre issu d’une thèse universitaire (2010), se confronte donc à de passionnantes questions, auxquels celui-ci répond partiellement avec une acuité inédite. Cependant, la présence d’approximations dans ses arguments n’est pas sans interroger quant à la sincérité et la totale rigueur de son analyse : erreur répétée sur le nom de MASAOKA Kenzo (2), contournement de la critique artistique, raccourcis multiples notamment quant à la problématique qui semble tenir lieu de fil conducteur à l’essai : la paternité de l’invention de la série télévisée (3).
Cela dit, et en dépit de ces quelques réserves, je recommande toutefois la lecture de cet essai érudit, très accessible et bien documenté, à celles et ceux qui souhaitent porter un regard critique sur l’animation japonaise, cinématographique ou télévisuelle, pour la compréhension – parfois par déduction – des principaux enjeux qui ont déterminé jusqu’à aujourd’hui le développement, les crises et la domination technique de l’animation japonaise.

La quatrième de couverture annonce :
« En 1963, le mangaka Osamu Tezuka crée la première série télévisée de l’histoire. Pour y parvenir l’équipe du studio Mushi production procède à la refonte des méthodes de fabrication traditionnelles du dessin animé, elles-mêmes tout juste entrevues à travers le modèle américain.
A travers une enquête menée à Tôkyô avec le concours d’anciens employés de Mushi, Samuel Kaczorowski propose d’examiner quelques-uns des premiers films d’Osamu Tezuka et de son équipe, pour la plupart inconnus et jamais diffusés en Europe.
L’étude soutient l’idée que l’œuvre filmique d’Osamu Tezuka invite à balayer la traditionnelle opposition entre les approches expérimentales et industrielles en art. Même si les productions analysées inaugurèrent une nouvelle tradition du film d’animation, Tezuka est-il réellement l’artisan de cette systématisation ? Par quels mécanismes ses fictions se sont-elles imposées comme le symbole de l’essor de l’industrie du divertissement au Japon ? Peut-on y lire les tourments d’une civilisation en mal de valeurs politiques ? Cet aspect serait-il de nature à refondre les contenus et les structures poétiques du dessin animé ?
Ce « moment fuyant », que Tezuka a su capter, correspond bien sûr aux états arrêtés de ses personnages, saisis par le dessin dans un moment d’effroi ou de plaisir ; c’est aussi le boom de la télévision, en plein développement dans le Japon des années 1960.

 

(1) Voici, par exemple, ce que déclarait en 1989 Hayao Miyazaki, inconditionnel adorateur du mangaka Tezuka :
Quand j’ai appris de la bouche d’autres professionnels que Tezuka avait [systématisé sa méthode d’animation hyper-limitée] simplement parce que “cela aurait un meilleur impact” [sur le spectateur], je ne suis rendu compte que je pouvais m’affranchir de son influence.
Citation extraite de l’entretien accordé à Comic Box, en mai 1989, sous le titre « Je me suis détourné de la voie tracée par Osamu Tezuka quand j’ai vu « la main de Dieu » en lui« .
Propos traduits et publiés en anglais dans « Starting Point – 1979-1996 » (pages 193 à 197)
(2) Cinéaste-artisan de génie, Kenzo MASAOKAKA a sans conteste posé les bases de la grande et poétique « école du mouvement de l’animation japonaise ». Il est une figure centrale du cinéma nippon.
(3) « Tetsuwan Atom » est, en 1963, la « première série d’animation télévisée de l’histoire » du Japon.
La rectification me semble importante, d’autant que l’auteur répète ce postulat de manière imprécise (pages 12, 40) et ne le clarifie pas vraiment lorsqu’il aborde (pages 93, 94, 97) les programmes animés proposés aux jeunes téléspectateurs japonais dès la fin des années 1950.
La toute première série animée conçue spécialement pour la télévision est Crusader Rabbit réalisée par Jay Ward et Alexander Anderson Jr a été diffusée en août 1949 sur KNBH (futur NBC). Chacun de ses épisodes dure quatre minutes. Le premier d’entre eux permet d’ailleurs de prendre pleinement la mesure de l’expression « animation limitée ».
[source : « Enchanted drawing : History of Animation » de Charles Solomon]
A partir de 1960, la sitcom « The Flintstones » (22 minutes par épisode en moyenne) est diffusée sur ABC.
De fait, le raccourci en sous-titre du présent ouvrage, « Osamu Tezuka et l’invention de l’animation télévisée », pose questions.

Sommaire

Avant-propos
Approche de terrain
Nature des sources
Langues, équivalences et commodités terminologiques

Introduction
État des lieux : les réticences des sphères du savoir face à l’industrie du divertissement
Rupture historique et épistémologique

Chapitre I – soubassements historiques
Éléments de biographie : Tezuka, créateur d’histoires dessinées
Dispositions initiales et imprégnation culturelle
La puissance de l’instinct de vie, et la nécessité pour les hommes d’en être les gardiens
Postérité
Proto-animation japonaise
Première génération d’animateurs
La saga Norakuro
Propagandistes et dissidents
Les électrons libres qu’on appelle « classiques »
Occidentalisme
Le boom du divertissement
Fièvre œcuménique

Chapitre II – Réinvention de la narration dessinée
Story manga
Nouvelles îles au trésor
Les innovations durables
Dynamisme de l’image fixe
Vers l’animation
Genèse de Mushi pro
Premières expérimentation
Vers la télévision
Le boom de la fiction et du divertissement
La première série d’animation télévisée au Japon
Tetsuwan Atom
Des studios coude-à-coude
Les actions réciproques de Mushi et de la télévision
Nivellement…
… Et dépassement
Les séries-feuilleton

Chapitre III – heuristique de l’atelier
Considérations économiques de l’animation
Coûts de fabrication et de diffusion de l’anime
Soutiens culturels et licensing
Ouvrir l’atelier
Archéologie de l’atelier
« Ça, c’est ce qui était prévu »
« Ça, c’est ce qu’il s’est passé »
Modalités managériales

Chapitre IV – Nature de l’image animée
L’œil et la main
Full et limited animation
Statisme
Synergie des systèmes
Espaces infinis
Boucles
Image cinématographique, image télévisuelle
Optique et champs
Iro kae : couleurs normales, modulées, exceptionnelles

Chapitre V – Nouvelles poétiques
Figures animées
L’enfant-robot Atom
Remaniements et censures au fil des versions
Passions opposées
Anti-manichéisme
Didactisme emphatique
Corps grotesques
Déracinement et fiction
Construction hors temps, hors sol
Le vide et le vivant

Conclusion
Tezuka inventeur
Limitation et extensibilité des moyens et des formes
Modèles et modélisation
Vers de futurs chantiers

Annexes
Récit de la visite à Mushi production
Entretien avec Satoshi Ito
Entretien avec Gisaburo Sugî

Glossaire
Bibliographie
Crédits images

 

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