Ringardisation accélérée du « digital grotesque »

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A la vitesse d’un bolide lancé à plein régime, le « digital grotesque » vient d’amorcer sa phase descendante. A ce rythme, il ne sera plus, dans quelques mois, que l’ombre de lui-même.

Pour rappel, cette appellation jubilatoire désigne l’un des territoires du vaste continent de l’imagerie numérique audiovisuelle contemporaine, dont quelques experts avisés ont récemment esquissé la cartographie mutante. Ce registre de création alternatif se caractérise par le détournement – à des fins expérimentales ou narratives – de logiciels performants de modélisation et d’animation automatisées pour créer des univers loufoques, absurdes, anticonformistes, moquant avec insolence le formatage esthétique de nos paysages audiovisuels aseptisés. Paysages saturés d’images de synthèse utilisées presque exclusivement à des fins de photoréalisme (immersion, effets spéciaux) ou de divertissement inoffensif (comédies à la Pixar, séries « jeunesse »), pour la faire court.
Techniquement, le digital grotesque exploite à l’extrême les artefacts générés par le paramétrage anarchique des Formule 1 que sont les outils informatiques évoqués plus haut. En cela, le digital grotesque est à l’imagerie numérique ce que fut le mouvement punk à la société de consommation. C’est-à-dire, une bouffée d’oxygène rapidement asphyxiée.

L’opportunisme individualiste et l’inculture dominant l’imagerie comme tout le reste, domination aidée dans son extraordinaire généralisation par le pouvoir prescripteur des médias de masses, les belles promesses du digital grotesque commencent ainsi déjà à sérieusement s’émousser. La caricature devient système. L’artefact devient artifice maîtrisé. La dimension dissidente se neutralise d’elle-même au profit de l’usage commercial. Les menaces – réelles ou présumées – contre l’hégémonie industrielle sont désamorcées. Tout rendre dans l’ordre dans le meilleur des mondes pour ramener ceux qui le peuplent à la docilité moutonnière à laquelle ils se sont résignés.

Ce constat profondément pessimiste traduit exactement ce que j’ai ressenti en visionnant la dernière réalisation de Jeron Braxton.
Sur un mode épileptique et compilateur, Octane nous ressert la panoplie des clichés de l’impérialisme étasunien (le fric-roi, Coca, Disney, Trump, le génocide amérindien, etc.). On cherche vainement le propos artistique, la subversion, voire un début de soupçon d’humour ; on ne trouve qu’une insulte à l’art de l’animation, déguisée en vulgaire chevauchée sauvage sans queue ni tête.

 

 

 

 

anima