Textes établis, présentés et annotés par Dominique Willoughby
en collaboration avec Guy Fihman et Claudine Eizykman
Presses universitaires de Vincennes – 2016
438 pages
ISBN : 978-2-84292-559-8
Parmi la quantité de textes qui figure dans cette somme intimidante, tant la pensée y est dense et féconde, figurent de véritables monuments, qui plus est parfaitement accessibles au commun des lecteurs. J’insiste sur ce point à la présomption que le présent ouvrage ne franchisse pas le cercle des chercheurs universitaires et ne parvienne ainsi jamais au cerveau des apprentis des métiers de la culture. Lesquels gagneraient pourtant à absorber ne serait-ce qu’une infime partie des analyses visionnaires d’un maître de l’art moderne, artiste total, et néanmoins sur la voie de l’oubli médiatique.
En effet, qui, en dehors du microcosme cinéphile professionnel, connaît le nom et l’œuvre pluridisciplinaire d’Alexandre Alexeieff ? Combien, à l’intérieur de l’entre-soi cinéphile de l’image animée, se revendiquent encore de l’école de pensée et de création, avant-gardiste, artisanale, technophile, intègre, dont Alexeieff fut très longtemps le représentant tutélaire unique en France ?
Alors, disons-le franchement, la lecture de ce pavé est aussi essentielle que son apparence austère.
Tenez, j’ouvre au hasard… Voyons… Page 366, “Éloge du film d’animation” :
” Le FILM D’ANIMATION est victime d’une erreur de classification – ou plutôt de deux erreurs. L’une consiste à la confondre avec le Dessin Animé (comme on confoindrait un avion avec un cerf-volant) et la seconde – à le considérer comme une sorte de “cinéma”, alors qu’il pourrait s’agir tout aussi bien de PEINTURE, de DESSIN, de GRAVURE ou même de sculpture en mouvement.(Considère-t-on un portrait peint à l’huile comme une sorte de photographie ?)
Cette confusion entre l’ANIMATION et le “cinéma” date de la première projection cinématographique des frères Lumière à Paris en 1895. Or, Émile Reynaud montrait son THÉÂTRE OPTIQUE au Musée Grévin déjà depuis 1892. Toutes les images de Reynaud étaient dessinées à la main. On assure que l’invention du “cinéma” était couverte par les brevets de Reynaud qui manqua d’argent pour faire un procès aux frères Lumière – et de le gagner. Quoi qu’il en soit, il est légitime de considérer le cinéma comme un cas particulier d’animation – une sorte de substitut industriel bon marché, destiné à remplacé la synthèse d’œuvres de l’esprit d’un artiste tel qu’Émile Reynaud par la photographie de modèles humains en mouvement.”
“Une sorte de substitut industriel bon marché“, quelle lucidité !
Lisez encore cette prophétie, extraite d’un texte daté de 1967 (“Image et son”, n° 207) : “J’imagine aussi que le temps ne doit plus être loin où il deviendra possible de visionner et de revoir chez soi des films d’animation, en les choisissant, à l’aide de quelque ordinateur et du téléphone, dans les cinémathèque de télévision. Ce rêve que j’ai depuis vingt ans deviendra peut-être possible : visionner individuellement des films de son choix, comme on choisit un volume de poésies dans sa bibliothèque privée.”
Texte de la quatrième de couverture
Cette première édition critique des textes et entretiens d’Alexandre Alexeieff (1901-1982), inédits ou devenus inaccessibles, rassemble l’essentiel de ses réflexions et contributions théorique. Elle révèle à quel point l’aventure singulière de cet artiste, décorateur, illustrateur, graveur, cinéaste, inventeur de techniques nouvelles, s’est fondée sur une pensée originale du cinéma, de l’animation et des arts comme la gravure, la musique, la poésie, la pantomime, la danse.
Pendant plus de cinquante ans, des avant-gardes des années 1920 aux débuts du numérique, Alexeieff n’a cessé d’innover dans le domaine de l’image, du livre au film, réalisant plusieurs chefs-d’œuvre animés sur l’écran d’épingles de son invention, ou travaillant pour la publicité.
Sommaire
• Présentation de Dominique Willoughby
Perspectives critiques
• Alexandre Alexeieff virtuose du virtuel ou le cinéma comme cosa mentale de Guy Fihman
• Le cinéma épinglé ou le “Cinépinglé”, l’avènement d’une sensation de Claudine Eizykman
• La synthèse cinématographie, des ombres aux nombres de Dominique Willoughby
Textes et entretiens d’Alexandre Alexeieff (1926-1981)
• Note relative à l’établissement de la présente édition
Année 1920 et 1930
• La technique moderne de la gravure sur bois debout (1926)
• De l’importance du procédé (1929)
• Révélation du dessin animé lyrique (1933)
Année 1950
• La continuité (1952)
> La continuité (2e version)
• L’autre moitié du film (1953)
• McLaren (1953)
• De la peinture au cinéma (1954)
• Négatif – positif (1955)
• Circuit fermé ! (1957)
• L’écran d’épingles (1957)
• Analyse de Anna Karenina (1958)
• Réponse à un questionnaire (1958)
• Des solides en mouvement (1959)
Année 1960
• Enquête (1962)
• A propos de ma carrière (1962)
• Enquête sur l’animation en 1963
• Alexeieff nez-à-nez (Pierre Philippe, 1963)
• Entretiens avec Alexeieff (Jean-Jacques péché, 1964)
• Reflections on motion picture animation (1956-1964)
> deux traductions par Dominique Willoughby des deux versions de ce texte
• Animation de peintre (1961-1964)
• Pour ou contre 24 phases par seconde (1965)
> Pour ou contre 24im/s. Où les énigmes de la synthèse cinématographique (1967)
> L’autre moitié du film (1967)
• La synthèse cinématographique des mouvements artificiels (1966)
• De la peinture instrumentale (1967)
• De l’illustration de livres et du cinéma d’animation (1967)
• Reflections on the illustration of books (1967)
> traduction du texte par Dominique Willoughby
• La fin de la culture du livre ? (1968)
• A propos de Berthold Bartosch (1969)
Années 1970 et 1980
• Lettre à Martha (1972)
• Le chant d’ombre et de lumière de 1 250 000 épingles
> “Tableaux d’une exposition” d’Alexeieff et Claire Parker (1973)
• Le phénomène cinématographique (1974)
• Les solides illusoires dans la synthèse cinématographique (circa 1975)
• Quelques mots sur l’illustration en général (1975)
• Éloge du film d’animation (1978)
• Entretien avec Alexandre Alexeieff et Claire Parker.
> Propos recueillis par Nicole Salomon et Jackie Just (1979)
– Tableaux d’une exposition, découpage technique (1981)
Notes
Bibliographie
Notices biographiques des auteurs
Index
Crédits iconographiques
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