Un film de Jonas Poher Rasmussen
Titre original : Flugt
Année de sortie : 2021
Origine(s) : Danemark, France, Suède, Norvège
Le film intégral est en accès libre sur Arte.tv jusqu’au 28 juillet 2022
Où ?
Réaction à chaud
Le très subtil enchevêtrement de séquences de réalité et de séquences reconstituées par l’animation (limitée mais solide) est frappant dans ce long métrage parfaitement en phase avec son époque. En phase avec les questionnements plus que jamais nécessaires de la différence, de la mémoire et du mensonge familial, ou en phase avec l’hybridation quasi-fusionnelle entre le réel documentaire et le réel transfiguré, sinon sublimé par les dessins animés, en passe de normalisation dans le paysage audiovisuel.
Flee tombe donc à point nommé, autant pour sensibiliser un large public au sujet de la migration forcée et ses corollaires (déracinement, traumatismes physiques et psychologiques, laborieuse intégration, …) que pour démontrer par l’exemple brillant la maturité d’une forme de récit jusqu’ici réduite, au mieux, à une tendance, au pire, à une mode qualifiée par fainéantise de « documentaire d’animation ».
Flee est une fiction animée à caractère documentaire. Son récit est écrit, en partie romancé, et organisé (monté) selon un point de vue artistique. Le film est cependant basé sur des témoignages réels de personnes existantes, étayé par des images d’archives (actualités, films amateurs, reportages de guerre, photographie), inspiré d’environnements et de comportements humains peu ou pas travestis par la fiction (imaginaire). Un récit face auquel le spectateur établit une distance variable et aléatoire, selon son degré de compréhension et d’empathie pour cette réalité tragiquement universelle, une distance mouvante avec le réel paradoxalement facilitée et transcendée par le dessin.
La pudeur de ce film est aussi particulièrement appréciable. Son réalisateur nous épargne tout effet de sensationnalisme ou de culpabilisation, tout en interrogeant sans ménagement la responsabilité de chacun face aux drames collectifs et individuel, mais aussi face à la résilience admirable, de celles qui ceux qui fuient leur pays et tentent, tant bien que mal, de se reconstruire et de trouver leur place dans le monde. En cela, la séquence du contact entre le bateau de réfugiés et le paquebot norvégien est exemplaire par sa retenue et sa puissance. Elle résume à elle seule tout le talent de metteur en scène de Jonas Poher Rasmussen.