Interdit aux chiens et aux italiens

 

Un film d’Alain Ughetto
Titre original : idem
Année de sortie : 2022
Origine(s) : France, Italie, Suisse
Date de sortie : encore indéterminée

 

Où il est question d’elle et de racines.

 

Réaction à chaud

Contrairement à ce que laisse supposer le titre brutal du deuxième long métrage réalisé par Alain Ughetto, Interdit aux chiens et aux italiens ne traite quasiment pas du racisme à l’égard des populations immigrées qui ont façonné le si riche patchwork culturel français et il est par ailleurs très plaisant à visionner, y compris pour les pré-ados qui semblent visés. En termes de communication commerciale, les effets de ce choix devraient être sévères mais bon, un distributeur chevronné comme Gébéka sait ce qu’il fait, n’est-ce pas.

Quoi qu’il en soit, cette remarque constitue la seule critique que je trouve à émettre à l’égard de cette œuvre maîtrisée de bout en bout. Son scénario en premier lieu, cousu de fil blanc, entremêle habilement différentes strates de réalité (autobiographique, sociologique, historique) dans une mise en abîme malicieuse qui n’est pas sans évoquer Le Tableau de Jean-François Laguionie.
L’auteur/réalisateur Alain Ughetto est omniprésent, par sa voix, sa main-démiurge, ses gestes filmés, ses interactions avec ses marionnettes, avatars de ses propres aïeux, sans que jamais le film ne se pare du voile égotique qui vampirise bien des œuvres cinématographiques de ses contemporains. Cette salutaire pudeur artistique avait emballé les cœurs devant Jasmine (2013), à mon sens l’un des meilleurs longs métrages d’animation de ces dix dernières années et néanmoins relativement inconnu des publics cinéphiles. Me voilà rassuré.
Désamorçant tout misérabilisme par des pirouettes humoristiques parfaitement bien dosées, Alain Ughetto pose un regard nostalgique et bienveillant sur l’héritage familial, aussi personnel qu’universel, issu des communautés contraintes à l’exil, au déracinement, à la navigation à vue entre les gouttes des tempêtes géo-politiques qui les dépassent. Et il est assez rare pour être signalé que l’animation de marionnettes soit aussi légitime pour développer ce genre de récit fictionnel à la limite du documentaire. Et il est encore plus rare de parvenir avec cette technique de “stop motion” (animation de volumes) à un tel équilibre, entre sobriété et élégance, dans le jeu des acteurs articulés. En sera-t-il de même pour L’inventeur que produit parallèlement Foliascope avec un budget et une approche autrement plus ambitieux ? Il est permis d’y croire car le film d’Alain Ughetto fait brillamment la démonstration que la surenchère de mouvements tape-à-l’œil, systématisée par les super-productions de stop motion “à l’américaine” est un cache-misère facilement contournable lorsqu’on a vraiment quelque chose de puissant à raconter.

 

 

 

anima