Un film d’Ayumu Wataneba
Titre original : 漁港の肉子ちゃん (le terme nikuko 肉子 fait référence à la « femme-viande » qui obsède la jeune héroïne)
Année de sortie : 2021
Origine(s) : Japon
Sortie française : 8 juin 2022
Où l’on ne sait pas trop.
Impressions à chaud
A l’évidence, comme bon nombre de réalisateurs de sa génération, Ayumu Watanabe s’inscrit dans les pas de ses glorieux aînés, Hayao Miyazaki et Isao Takahata, en prolongeant la veine « réaliste » initiée par ce dernier au début des années 70. En effet, comment ne pas penser à Panda et Petit Panda et surtout à Chié, la petite peste auquel La chance sourit à Madame Nikuko semble envoyer des clins d’œil appuyés ? On y retrouve bon nombre de motifs similaires : la cellule familiale éclatée, l’immaturité aussi touchante que délirante de Nikuko, les accents de la vie provinciale, la quête banale de l’héroïne principale pour trouver sa place dans un microcosme populaire, la mélancolie joyeuse, les fulgurances comiques, …
Dans cette lignée, le long métrage de Watanabe arbore une facture de très haut niveau, tant sur le plan de la somptueuse direction artistique, de la flexibilité remarquable de l’animation, de la mise en scène soignée et inventive parfois, et plus globalement sur le plan de sa réalisation, impeccable. En revanche, l’écriture un peu trop confuse de ce récit l’empêche d’embarquer complètement le spectateur. Ce film étant proposé prioritairement aux jeunes publics, je crains de surcroît qu’il n’échoue lamentablement auprès d’eux, d’autant que le traitement des sujets abordés, pas franchement divertissants, n’est pas non plus des plus limpides.
Les adultes, plus ou moins jeunes, qui se laisseront tenter par cette œuvre seront peut-être aussi sensibles que je l’ai été aux nombreuses séquences relevant du réalisme domestique, c’est-à-dire montrant de fins détails de la vie de tous les jours, notamment des moments de cuisine particulièrement saisissants.
Occasion de rappeler que les Japonais sont les seuls à produire des séries et longs métrages animés qui octroient une place si importante à la banalité du quotidien, à « l’infra-ordinaire » aurait dit Georges Perec. Cet aspect des dessins animés nippons est assez peu identifié et étudiée bien qu’il contribue fortement à l’adhésion immodérée des publics mondiaux à ce registre de création, aux mimétismes comportementaux qui en découlent et, dans une autre mesure, à quelque incidences touristico-culturelles non-négligeables sur le PIB japonais.
Tout ce temps, toute cette énergie et tout cet argent dépensés à représenter ce qui nous paraît si insignifiant à nous occidentaux, rétifs à envisager le long métrage d’animation sans spectacle, sans aventures, sans rebondissements, sans reflets de notre réel sociétale, devrait pourtant donner matière à questionnement, à introspection, sinon à inspiration. Car, à cet égard, La chance sourit à Madame Nikuko a, malgré ses défauts, beaucoup de choses à nous apprendre.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.