Long métrage « ga-nimés » de Kôji Fukada
d’après la nouvelle éponyme de Honoré de Balzac
Peintures de Ken Fukazawa
Distribution/édition : Films du Paradoxe
Durée : 48 mn
Pour son cinquantième anniversaire, la firme japonaise Toei Animation a produit en 2006 une série de 15 films basés sur un concept parfaitement antagonique à la recette qui a fait sa gloire pendant plus d’un demi-siècle. Comme s’il avait fallu redorer une légitimité artistique depuis longtemps sacrifiée sur l’autel du consumérisme télévisuel (Goldorak, Albator, Dragon Ball Z, Sailor Moon, Digimon, One Piece et consorts), les producteurs de la Toei ont imposé sur ce projet un parti pris de réalisation magnifiant la narration (dialoguée et musicale) et la contemplation (plastique et picturale) aux dépens du mouvement épileptique et de la mécanique mercantile de ses dessins animés industriels.
De ce corpus d’œuvres de qualité inégale, baptisé opportunément « Ga-nime« , émerge, telle une apparition miraculeuse, l’adaptation du court roman de Honoré de Balzac, La Grenadière, publiée en 1832. Lequel aurait été écrit, dit la légende balzacienne, en une seule nuit entre deux parties de billard.
Kôji Fukada, le jeune réalisateur de cette transposition audacieuse de l’écrit à l’écran, a certes pris quelques libertés avec le texte d’origine. Mais force est de constater que les points de vue décalés qu’il entrecroise rendent compte très habilement des tourments intérieurs et extérieurs qui terrassent la cellule familiale au cœur de cette intrigue tragique. Fukada laisse par ailleurs au spectateur les espaces nécessaires pour approcher le malaise au plus près. En cela, son adaptation reste extrêmement fidèle aux intentions de Balzac.
Organisé selon différents cadrages – du détail à l’entièreté – de 71 superbes tableaux, exécutés par le talentueux Ken Fukazawa, ce moyen-métrage n’est pas, à proprement parler, un film de peinture animée. Alors que sa matière picturale reste figée, son découpage narratif et scénique s’opère cependant image-après-image, selon une grammaire cinématographique relativement classique, imposant peu à peu son rythme propre. Dans les limites de cette immobilité quasi-mystique, le récit atteint à bien des égards une profondeur poétique abyssale, tridimensionnelle (temporelle, psychologique, métaphysique), portée à son paroxysme dans l’interminable plan fixe, qui souligne l’agonie de Lady Brandon, par le déclin presque imperceptible de son intensité lumineuse et colorimétrique, jusqu’à extinction totale.
Loin d’être inanimé, bien au contraire, ce récit est accessoirement une magnifique leçon de cinéma.
« Récurrence de cet amour adultère qui obsède « La Comédie humaine », avec ses caractères invariables, femme coupable, abandonnée, malade, mourante, séducteur impénitent, qui rachète ou non sa faute par sa grandeur d’âme. Le roman familial de Balzac est là tout entier, aux sources de son œuvre« .
Extrait de la critique d’Anne-Marie Baron, sur le site des « Amis d’Honoré de Balzac »
Quelques-uns des films notables de la série « Ga-nime » (画ニメ) produite par la Toei :
• Fantascope – Tylostoma (2006), scénarisée et illustrée par Yoshitaka Amano
• Yoh Shomei Museum – Line (2006), à partir des peintures minimaliste de Shomei Yoh
• A drop of Dew (2006) de Shoji Ueda
• Maihime (2006), d’après la nouvelle de l’écrivain de Meiji, Ogai Mori
• G-9 (2006) de Keita Amemiya
• Tori no Uta (2007) réalisé par Yoshitaka Amano
• The Dunwich Horror and Other Stories (2007), trois petites histoires adaptées de H.P Lovecraft
> personnages en volume, mis en scène par Ryo Shinagawa
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