Pour corroborer les propos du précédent article, je vous renvoie à l’enquête publiée sur l’excellent blog “Le cinéma est politique”, sous le titre “Une journée devant Guili“.
Saluons d’abord le courage et l’abnégation qu’il aura fallu à sa rédactrice pour tenir plus d’une demi-heure devant les programmes “jeunesse” d’une même chaîne sans défoncer son téléviseur à grands coups de parpaing*.
Reconnaissons-lui ensuite, en dépit de son caractère subjectivement très orienté, le mérite d’une analyse lucide de l’un des principaux fertilisants du sexisme culturel qui prospère dans les sociétés de consommations. Les ingrédients de ce compost (stéréotypes de genres, diktat de la communication “genrée”, hétérosexisme frontal) pullulent dans la série tv animée et dans le long métrage formaté, quel que soit leur pays d’origine. La clameur populaire s’en émeut dans un silence assourdissant.
Tenez, ça me rappelle la mémorable interview donnée au Guardian au début du mois de juin dernier par Yoshiaki Nishimura, producteur au studio Ghibli du Conte de la Princesse Kaguya** et des Souvenirs de Marnie.
Interrogé sur l’absence de réalisatrice au sein du studio, Nishimura répondait ainsi : “[…] contrairement aux films avec acteurs réels, en animation nous devons simplifier le monde réel. Les femmes ont tendance à être plus pragmatiques et savent mieux gérer [que les hommes, ndr] la vie au jour-le-jour. Les hommes, de leur côté, sont plus idéalistes et les films de fantaisie ont besoin de cette approche idéaliste. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence si les hommes sont privilégiés [pour la réalisation, ndr].”
A la fin du même mois, sur le compte Twitter du studio Ponoc, auquel il est rattaché depuis la fin 2014, Yoshiaki Nishimura tentait de plates excuses à la sincérité suspecte.
Le blog new-yorkais Cartoon Brew qui relaya son message (disparu depuis du compte Twitter) soulignait malicieusement en conclusion que sur les 20 longs métrages produits par Ghibli, pas un n’était signé par une femme.
> visitez aussi la rubrique “Films d’animation” du blog “Le cinéma est politique”, il y souffle un bien agréable vent de fraîcheur !
* Il faudra un jour que quelqu’un d’assez cinglé se dévoue pour réaliser une étude objective sur les contenus multi-diffusés dans les cases “jeunesse” des chaînes du PAF.
Ce véritable sacerdoce aurait au moins trois effets salutaires :
1° il constituerait un outil de pensée critique, bénéfique à tout parent désireux du bien-être de sa progéniture,
2° il permettrait de relativiser le patriotisme économique des producteurs des contenus en question qui se vantent régulièrement du troisième rang mondial occupé par la France en matière d’exportations de séries animées,
3° il démontrerait que ce domaine hyper-formaté est totalement livré à lui même, pour le meilleur et surtout pour le pire.
Addendum : c’est chose faite depuis février 2021, avec le livre de la sociologue des médias Mélanie Lallet “Libérées, délivrées ?“.
** Il m’est arrivé à plusieurs reprises de qualifier publiquement le dernier long métrage réalisé par Isao Takahata de “manifeste féministe”. J’assume toujours ce raccourci !
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