Un film d’Anca Damian
Titre original : Insula
Année de sortie : 2022
Origine(s) : Roumanie, France, Belgique
Date de sortie annoncée : 7 juin 2023
« Pourquoi la Providence conduit-elle ses propres enfants à la mort ? »
Image de pré-production
Réaction à chaud
Le sous-titre du film nous l’annonce d’emblée, il s’agit d’une « histoire de Robinson Crusoé sens dessus dessous« . Inspiré par une pièce de théâtre et un album de musique associant la comédienne-chanteuse Ada Milea et le quartet d’Alexander Bălănescu, le septième long métrage d’Anca Damian revient à la veine expérimentale qui l’a faite connaître du grand public en 2011 avec Le voyage de M. Crulic. Expérimental, ce long métrage l’est par son parti pris de l’hybridation débridée, par son esthétique composite et surréaliste, à la limite du psychédélisme. La force poétique radicale qu’il dégage n’est pas la moindre de ses qualités.
S’il est question d’une fable « entre Le Petit Prince et les Monty Python« , comme nous la vend par raccourci publicitaire sa communication officielle, celle-ci est plus politiquement ironique que moraliste. Une fable existentielle de surcroît qui nous amène, sur le mode de la comédie musicale décalée, à affronter l’absurdité cynique d’une société européenne prétendument civilisée qui laisse mourir des milliers d’humains chaque année dans la Méditerranée et instrumentalise honteusement ce flux migratoire encore dérisoire à défaut de pouvoir le contenir. Une société de « sauveurs » et de « sauvés » qui ne savent plus s’ils doivent se remercier et qui se lamentent mutuellement à l’envi de pathétiques « nous sommes si seuls ensemble ! »
On peut aisément se perdre dans l’univers insolite ici mis en scène par Anca Damian, laquelle affirme toujours un peu plus sa singularité et son audace dans le contexte de la très polissée production mondiale de longs métrages animés. La structure narrative alambiquée de cette Île métaphorique et le traitement inédit de tout ce qui y bouge confusément, déstabilisent comme le reflet d’un miroir de vérité. Mais ce périple audio-visuel est tout sauf déplaisant et rien que pour l’humour noir des chansons qui la jalonnent (« Certains marins me disent de monétiser la pêche de cadavres en mer. Ce n’est pas si dégoûtant que ça quand on pense aux honoraires« ), cette œuvre d’art transmédias vaut le déplacement, en salle de préférence, pour en prendre plein les yeux et les oreilles, en attendant les installations de réalité étendue pour apprécier sans doutes ses autres dimensions secrètes.
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