Un film de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach
Titre original : idem
Année de sortie : 2023
Origine(s) : Italie, France
Sortie en salle françaises : le 18 octobre 2023
Où « ça a bel et bien existé même si on ne se souvient pas. »
Réaction à chaud
Quelle délicieuse confiserie !
Ce long métrage réalisé à quatre mains transcende brillamment les passages-obligés du film de dessins animés familial, nécessairement rythmé, nécessairement divertissant, nécessairement mélo-dramatique.
D’emblée, la tonalité des dialogues débridés nous embarque. Celle-ci tranche avec la manière systématiquement aseptisée et surjouée – quand elle n’est pas emphatique jusqu’au ridicule (suivez mon regard) – de s’adresser aux enfants et aux adultes qui les accompagnent.
La sensualité, l’épure et l’incomplétude du dessin de Sébastien Laudenbach, au pouvoir émotionnel incommensurable largement éprouvées avec La jeune fille sans mains, fonctionnent à merveille, ramenées à hauteur d’enfants, rétifs ou non aux règles établies. Oui, on a le droit de dépasser les limites quand on colorie, quand les adultes sont injustes, quand la société est à l’arrêt et que l’on tient plus que tout à recontacter le souvenir flou d’un cher disparu.
Connaissant très mal de cinéma de Chiara Malta, je ne peux que supputer ses apports à cette comédie pétillante, à l’aune de ce que j’apprécie du travail de son compagnon, depuis sa sortie remarquée de l’ENSAD. Un point de vue ironique subtilement distancé avec le réel ? Un rapport direct aux comédiens, professionnels et amateurs, enregistrés préalablement en condition de tournage vivant et non en situation de doublage, qui confère aux acteurs dessinés un charisme rare ? Peut-être aussi l’omniprésence d’une dimension libertaire, au sens éducatif du terme, dispersée dans la forme et le jeu, individuel ou collectif, de tous les personnages ? L’autorité parentale et même l’ordre républicain sont malicieusement moqués dans ce récit.
Le coup de foudre de Jean-Michel, le camioneur-maraîcher adepte de Ronsard, est un moment d’anthologie ! Je n’ai pas souvenir d’une telle authenticité poétique, légèrement érotisée ce qui ne gâche rien, dans un long métrage d’animation, pour enfants qui plus est.
Linda veut du poulet est un film original, finement drôle, intelligent, rythmé, habillement progressiste qui pourrait bien créer la surprise au box office de l’automne. Il est d’ores et déjà très fortement soutenu par le réseau des exploitants « art et essai » et bénéficiera d’une probable unanimité des médias prescripteurs. Reste à croiser les doigts pour que son apparence visuelle singulière ne freine pas trop de parents pusillanimes.
Seule tâche à mes yeux sur cette réussite quasi-parfaite, la chanson du générique final. Outre le désagrément auditif (mes oreilles en saignent encore) sans doute inévitable pour la promotion du film, l’incursion de cette variétoche de supermarché rompt malencontreusement avec la fragilité naturelle particulièrement émouvante émanant des trois chansons narratives, interprétées par les comédien.ne.s qui prêtent leur voix aux personnages de Paulette, d’Astrid et du père mort-au-dîner-sans-prendre-le temps-d’un-café-ni-d’un-baiser.
L’intégrité du film n’en souffre heureusement pas.
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