Un film de Jérémie Périn
Titre original : idem
Année de sortie : 2023
Origine(s) : France
Sortie en salle françaises : le 22 novembre 2023
Où « ben, si t’es mort, ta tête, elle volait pas comme ça avant ! »
Réaction à chaud
Film de genre assumé, mixant et recyclant allègrement les codes du polar et un catalogue de références à la science-fiction spéculative haut-de-gamme, Mars Express réussit audacieusement son entrée dans le registre cinématographique du long métrage animé, lequel reste bien trop souvent à mon goût plombé par les facilités narratives.
Jérémie Périn, son co-scénariste, ses producteurs et toute son équipe de petites mains talentueuses se sont faits plaisir à prendre des risques et cet enthousiasme juvénile à tutoyer, voire à taquiner, les illustres prédécesseurs créateurs des visions futuristes emblématiques qui ont façonné la pop culture contemporaine se ressent d’un bout à l’autre de ce récit pas toujours limpide et cohérent. Le monde présent n’étant ni l’un ni l’autre, qu’importe après tout que le futur fantasmé entérine la confusion et la perte de sens généralisées.
Cette enquête policière cyberpunk de facture presque parfaite – à l’exception peut-être de quelques désynchronisations mineures entre certains mouvements de décors en 3D et les personnages en 2D – est bien rythmée et saupoudrée de touches parcimonieuses d’un humour pince-sans-rire, parfois sous forme de private jokes (ah, ah, ah ! La « sonde Ekinci » !). Coquetterie certes anecdotique mais cependant peu osée dans les productions animées françaises, désespérément crispées de ne pas pouvoir compter sur une complicité transgénérationnelle équivalente à celle des publics américains ou japonais qui savent apprécier les dessins animés pour ce qu’ils sont.
Cela dit, et je ne saurais exactement en exprimer les raisons, mon premier et unique visionnage de Mars Express s’est terminé avec l’amère frustration de rester quasi-indifférent au destin tragique de ses protagonistes principaux. Mon cœur est devenu pierre, cela ne fait plus aucun doute…
Passés ces pinaillages, je reconnais volontiers au premier long métrage dirigé par Jérémie Périn une mise en scène très maîtrisée, sans exubérance tape-à-l’œil, que je ne crois pas avoir déjà observée à ce niveau dans une production française. Cette maîtrise résulte à l’évidence des expériences laborieusement acquises sur ses deux précédentes et remarquables séries animées.
C’est amusant, ce simple constat fait aussitôt ressurgir le souvenir désagréable d’une interview que j’avais enregistrée pour mon émission de radio à la fin des années 90 avec un présupposé « éminent critique », amateur d’animation d’auteur et rédacteur pour une célèbre revue de cinéma.
Ce dernier m’avait proposé de recueillir ses propos pendant son repas dans une brasserie parisienne assez chic. N’ayant pas les moyens de déjeuner avec lui, je l’avais regardé bouffer et répondre à mes questions entre deux bouchées. C’était l’époque de l’apogée des programmes animés de Canal+ qui promettaient l’avènement imminent de séries françaises ciblées ados/adultes susceptibles de rivaliser avec les productions américaines, voire japonaises. A la fin de l’entretien, affamé et lassé par la teneur insipide et par la tonalité quasi-méprisante des réponses de mon interlocuteur, je lui avais lancé cette ultime question : « pensez-vous que la maturité créative de la production française de fictions animées pour le cinéma puisse être revigorée grâce à la série télévisée ? » Il répondit du tac-au-tac (je cite) : « Pfff, n’importe quoi ! » en précisant qu’il ne fallait pas « mélanger torchons et serviettes« .
25 ans plus tard, Mars Express pourrait être le signe tangible que cette intuition – que d’autres connaisseurs de la pourtant riche Histoire des productions sérielles étasuniennes et nippones avaient eu avant moi – est enfin en train de se confirmer.
Cher Jérémie Périn, beaucoup d’espoirs reposent désormais sur vos épaules.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.