Pendant ce temps-là, à Bunbank (comté de Los Angeles), un rassemblement inédit d’un bon millier de professionnels et passionnés d’animation s’est tenu ce samedi 10 août en plein cagnard pour manifester le désarroi de tout une corporation en train d’assister à sa désintégration de l’intérieur, méthodiquement organisée par les tenants de l’industrie du divertissement (majors hollywoodiennes et plateformes de streaming en tête). L’intégration insidieuse des outils d’intelligence artificielle générative dans les pipelines de fabrication des œuvres pour réduire drastiquement des coûts de main d’œuvre humaine est la principale source de colère de tous les artistes et techniciens qui se sont exprimés à la “tribune” de ce ralliement, bien décidés à ne pas se laisser effacer du paysage.
A lecture des injonctions nominatives entendues (rapportées par Cartoon Brew et que je traduis ici), on identifie clairement les racines du Mal :
« Dites-le à Reed Hastings après qu’il a licencié 300 employés de Netflix Animation et tué sa division animation telle que nous la connaissions : pas de contrat, pas de dessins animés ! »
« Dites-le à Randy Lake, directeur opérationnel de Dreamworks, qui sous-traite des emplois d’animation à des studios non syndiqués qui offrent des conditions de travail dégradées : pas de contrat, pas de dessins animés ! »
« Dites-le à David Zaslav [président du groupe Warner Bros.], après qu’il a supprimé une flopée de séries et de films qui ne verront jamais le jour et vendu le bâtiment historique de Cartoon Network à la casse : pas de contrat, pas de dessins animés ! »
C’est amusant, ces lointaines gesticulations syndicales font écho à cette récente captation vidéo Stages, marché de l’emploi en animation : situation, conseils et solutions publiée par le site 3DVF relayant les sévères observations – sur le fond assez proches de celles des manifestants californiens – des quelques jeunes professionnels français de la création animée (films, vfx et jeux vidéos) plus politisés que la moyenne. A contre-courant du discours performatif et enjôleur des stratèges et experts de l’économie de l’imagerie French-toc, ces propos tenus devant un auditoire clairsemé sont pourtant les plus conformes à une réalité de terrain que n’importe quel pèlerin peut constater sans peine en faisant un simple pas de côté. Effort sur-humain certes mais salutaire pour ne pas être pris au dépourvu quand la catastrophe annoncée se produira.