Doit-on rire ou pleurer en visionnant le court métrage produit par Netflix Dog and Boy ?
On se demanderait presque si les outils d’intelligence artificielle utilisés pour leurs magnifiques décors n’étaient pas déjà intégrés depuis bien plus longtemps qu’on ne le pense aux pipelines de productions japonais sans qu’il en soit fait mention aussi clairement que dans ce coup de com’ assumé de la plateforme de streaming multinationale.
Quoi qu’il en soit, Le chien et le garçon (un clin d’œil provocateur à Hayao Miyazaki ?) constitue à la fois un nouvel avant-goût du paysage audiovisuel animé des prochaines années et un énième signe du tragique déclin de l’animation industrielle financiarisée*, c’est-à-dire produite par des spéculateurs et autres optimiseurs de coûts (de matériels et de main d’œuvre) assez peu concernés par l’économie vertueuse long-termiste et l’élévation culturelle des foules.
Le générique final de ce film-bande-annonce montre de manière explicite comment le savoir-faire des peintres-décorateurs des arrière-plan des dessins animés japonais, si admirés partout dans le monde pour leur photoréalisme naturaliste et trompe-l’œil, pourrait purement et simplement disparaître dans les prochaines années. Ils rejoindront ainsi les storyboarders, les animateurs, les coloristes, et tous les autres techniciens, indispensables aux chaînes de fabrication actuelles, dans le cercle des nobles-professions-créatives-devenues-obsolètes.
Mince ! Mais que deviendront alors les méga-campus financés par France 2030 pour former nos futurs bataillons de techniciens de l’imagerie ?!
Finalement, le jugement radical du même Hayao Miyazaki à propos de l’animation générée par IA, qualifiée “d’insulte à la vie elle-même**“, n’était peut-être pas le bougonnement réac’ que beaucoup de pseudo-progressistes ont cru entendre. Et si le cinéaste, fort de ses 60 années de carrière, avait exprimé par ce raccourci lucide une vérité des plus profondes ?
Personnellement, je perçois beaucoup de points positifs dans cette fuite en avant, le premier étant la montée en grâce aux yeux des spectateurs de la création animée plus modeste, non-conformiste, intuitive et volontairement imparfaite, expérimentale et libertaire, affranchie de sa servitude volontaire au tout-numérique.
On se rassure comme on peut…
* Économiser « des millions et des millions de dollars », remplacer les artistes dans des tâches de production telles que le storyboard, « développer des opportunités de création de contenus de pointe et efficaces en termes de capitalisation », « systématiser l’IA dans les processus de pré-production et de post-production »… Extraits des récentes déclarations (relayées par Cartoon Brew) de Michael Burns, big boss de Lionsgate, l’une des principales méga-compagnies d’Hollywood. Au moins, personne ne pourra crier au complot souterrain.
** Il me semble que ces propos courroucés ont été prononcés dans la salle de réunion du Studio Ghibli, à l’issue d’une démonstration organisée par une jeune société proposant des modélisations 3D procédurale d’être humains monstrueusement déformés et animés. Cette séquence figure dans le documentaire “Never-Ending Man”, si ma mémoire est bonne.
Cette citation, mainte fois reprise et déformée depuis, a pu être répétée par lui à d’autres occasions et face à d’autres exemples de dénaturation technologique de son art.
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