Persistence of Vision

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En mars dernier, je relatais ici même mon dépit de ne toujours pas voir venir sur les écrans français le documentaire Persistence of vision (2011) que le réalisateur new-yorkais Kevin Schreck a consacré à l’extraordinaire et néanmoins désastreuse “aventure” de la production du long métrage The Thief and the Cobbler de Dick Williams. On aura compris que je pestais égoïstement de ne pas pouvoir en apprécier la teneur alors que les critiques dithyrambiques me parvenaient des quatre coins du globe à son sujet, et même d’Annecy où il fut présenté en juin dernier.

Hier -Noël avant l’heure – je visionnai enfin ce film d’une incroyable densité d’informations et de documents aussi rares que précieux. Je ne fus point déçu.
Plus que le récit d’une impossible quête d’excellence dans un contexte de production globalisée, où le culot artistique a peu ou pas droit de citer, le film décrit surtout une obsession dévorante. Celle d’un homme passionné – au sens romantique du terme – et consumé par l’œuvre de sa vie. Car Richard Williams n’a pas seulement voulu réaliser un chef d’œuvre absolu en plaçant ses dessins animés sur orbite (« the best is yet to come », déclarait-il en recevant ses Oscars pour l’animation de Roger Rabbit en 1989), il a essayé de sauver, ni plus, ni moins, le standard désespérément aseptisé et insipide du long métrage post-disneyen. Si j’osais, je dirais même qu’il a bien involontairement donné raison à Winsor McCay(1).

 

Richard Williams n’a pas souhaité participer à ce documentaire. Il est d’ailleurs peu probable qu’il en cautionne le contenu, en particulier les propos de certains de ses anciens collaborateurs dont la lucidité doit être douloureuse à ses oreilles. Le portrait qu’en dresse Kevin Schreck n’en est que plus admirable, principalement pour la distance qu’il a su garder vis-à-vis de son sujet évitant de tomber dans le pathos larmoyant ou la déification, fréquents dans ce type exercice. Le ton est juste, donc, pour relativiser une épopée littéralement sur-humaine, devenue mythique dans le petit monde coloré des animateurs, et traduire tout ce que l’abnégation artistique suppose de sacrifice et d’aveuglement.
En témoigne cette séquence particulièrement émouvante où apparaît Cathy, la première épouse de Richard Williams, dans une situation qui en dit long sur les dommages collatéraux subis par les proches du cinéaste durant les 30 années de cette épreuve.

 

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Reste maintenant à trouver le moyen de diffuser plus largement ce film en France.
Je vais m’y employer dans les semaines à venir. Je vous tiens au courant. Promis.

(1) En 1927, devant une assistance majoritairement composée de représentants de l’industrie du dessin animé américain, le dessinateur et pionnier de la discipline Winsor McCay déclarait dans l’indifférence et le mépris général : “Animation should be an art… What you fellows have done with it is making it into a trade… Not an art, but a trade… Bad luck!” (L’animation devrait être un art. Vous en avez fait un commerce. Dommage !)

> le Facebook du documentaire “Persistence of Vision”

anima

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