Plan extrait du film : Le petit hérisson dans la brume
Réalisé par : Youri Norstein
Russie / 1975
Si ce n’est pas le plan de cinéma que je préfère – tout palmarès à ce sujet se révélant immédiatement aussi vain qu’impossible – c’est au moins celui qui est à l’origine indirecte de ma fascination pour le pouvoir des dessins animés. J’insiste sur le terme « indirecte » car le mouvement et le point de vue élaborés par Youri Norstein ont convoqué immédiatement une autre impression rétinienne (ci-dessous) qui elle, j’en suis convaincu aujourd’hui, est bel et bien celle qui m’a inoculé le virus, une bonne vingtaine d’années plus tôt. L’anecdote étant dite, c’est avant tout la formidable restitution de sensations vécues, véhiculées par ces dessins mouvants, qui a fait de ces images des représentations fondatrices. Dans les deux cas, les cinéastes/metteurs en scène sont parvenus à synthétiser la quintessence d’un souvenir d’enfance, que partagent tous ceux qui ont connu leur premier éveil à la nature en embrassant le tronc d’un vieil arbre imposant et pliant douloureusement les vertèbres cervicales vers l’enchevêtrement de ses branches au cas où le plantigrade daignerait manifester une quelconque reconnaissance.
Le petit hérisson, sur le chemin de son rendez-vous habituel avec son ami l’ourson, s’est perdu dans un brouillard qui bouleverse tous ses repères visuels. Ne pouvant plus se fier qu’à ses sens actifs, il parvient à tâtons au pied d’un chêne vénérable. Levant le nez au ciel, il se trouve comme hypnotisé par le balancement d’une ramure effleurée par la brise.
Grâce à un habile jeu de superpositions « multiplanes » et à un lent mouvement de rotation, le cinéaste offre au spectateur le point de vue subjectif de son personnage écrasé par une majesté qui l’émerveillera durablement.
Quatre images-ricochets

Extrait du premier épisode de Heïdi, la petite fille des Alpes, série réalisée par Isao Takahata en 1974.
Ce plan est repris six ou sept fois sur les 52 épisodes que compte la série.
Extrait du 24e épisode de Marco, 3 000 lieues à la recherche de Maman, série réalisée par Isao Takahata en 1976.
Une citation parmi d’autres
Un milieu du 47e et dernier épisode (scénarisé par Kazunori Ito et réalisé en 1990 par Naoyuki Yoshinaga) de la deuxième série télévisée de « Mobile Police Patlabor », le procédé est repris à l’identique. L’héroïne se recueille sur le lieu d’un souvenir d’enfance douloureux.
Son point de vue en contre-plongée, sous le feuillage d’un arbre majestueux et protecteur, évoque symboliquement l’impermanence de la vie.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.