Anecdotique ou symptomatique ?
Ce vendredi 21 février, lors de la seconde partie du journal de la mi-journée de la « première radio de France », le producteur Ron Dyens était invité pour réagir au succès phénoménal de Flow, long métrage d’animation de Gints Zilbalodis, sorti à l’automne 2024 en bénéficiant d’une couverture médiatique conséquente mais relativement modeste.
A la faveur d’une multitude de prix internationaux (dont un Golden Globe le mois dernier) et de deux nominations aux prochains Oscars, un média de masse daignait ainsi, à un horaire de très grande écoute, mettre en lumière une réussite aussi extra-ordinaire qu’inédite, tout en prenant soin de border le tout dans la sempiternelle « couverture chauffante » du film-pour-enfants à renfort de mignonnes paroles de bambins.
Chassez le naturel, …
A la fin de l’entretien (vers la 45e minute de l’émission), on a pu savourer la furtive et néanmoins salutaire tentative de l’invité pour placer un argument-massue pourtant toujours aussi sous-médiatisé. Opportunisme rapidement balayé d’un revers de main par la journaliste-présentatrice qui n’a, à l’évidence, pas du tout pris la mesure de l’importance des propos que je me permets de consigner ici, pour la postérité : « […] ce qui est intéressant dans les Gloden Globes, c’est un tableau qui montre les coûts des films, les budgets des longs métrages d’animation. Nous, on a fait [notre film] pour à peu près trois millions et demi, le 2e film le moins cher est à 35 millions de dollars et le film le plus cher est à 200 millions de dollars. Il est presque 70 fois plus cher que le nôtre ! »
Car la voilà, l’information essentielle ! Celle qui aurait pu être développée durant l’entière séquence radiophonique, histoire de révéler à la France-inter la puissance politique (soft power), économique (à tous les sens du terme) et culturelle de la créativité artistique, en particulier lorsqu’elle s’exprime dans des œuvres audio-visuelles de portée mondiale.
Oui, il est possible de produire, avec un budget « dérisoire », un long métrage d’animation post-apocalyptique, sans dialogues, avec une petite équipe en grande partie française, supervisée par un réalisateur letton habitué aux œuvres en solitaire, un long métrage matérialisant qui plus est les passerelles esthétique et narrative entre le cinéma et les récits ludo-immersifs.
Oui, on peut financer « facilement » et fabriquer des films qui, malgré leur sujet et leur pessimisme latent, en dépit de leurs non-dits (c’est-à-dire grâce à leurs paris sur l’intelligence des spectateurs), nonobstant leur refus des facilités ordinaires (anthropomorphisation, aseptisation, chansons nunuches, voix de stars, dialogues surjoués, …), fédèrent et contentent un très large public d’enfants et d’adultes « non-accompagnateurs » (cinéphiles, a priori) quelle que soit leur culture.
Anecdotique ou symptomatique ?
→ Pour écouter l’interview, qui commence à partir de la 30e minute environ
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.