Série animée réalisée par Hiroshi Saitô
Titre original : トム・ソーヤーの冒険
Production : Nippon Animation, 1980
Distribution/édition : @Anime
49 épisodes de 23 mn environ
Pour ceux qui, comme moi, ont connu sa première diffusion télévisée en France, cette série jouit d’un capital de sympathie élevé qui s’émousse à peine avec les années.
Personnellement, je l’ai non seulement découverte sur Antenne 2 en 1982 puis transmise à mes enfants dès qu’ils ont été en âge de la comprendre, mais il m’arrive encore de la visionner avec presque autant de plaisir, 35 ans après. J’ai possédé différentes publications vidéos (VHS et DVD) de cette série que j’ai aussi beaucoup prêtées à des personnes peu scrupuleuses. Ces dernières ont oublié de me les rendre. C’est ainsi que récemment, j’ai de nouveau investi dans un coffret DVD des « Aventures de Tom Sawyer ».
N’étant ni collectionneur fétichiste, ni enclin au matérialisme, j’ai opté pour le basique coffret de DVD des 49 épisodes remastérisés, déclinant avec mépris les recommandations algorithmiques qui m’orientaient vers le coffret BluRay, quatre fois plus onéreux pour un format numérique dont je me fiche comme de ma première carie et un livret de 32 pages totalement superflu.
Bien que « basique », cette édition m’a satisfait par la qualité de l’image rénovée, au point de redécouvrir la série – y compris ses défauts formels moins visibles en définition inférieure – et de graver dans le marbre immatériel de ce blog les opinions suivantes.
Parmi la trentaine de feuilletons-fleuves produits par le studio Nippon Animation, entre 1975 et 2009, dans le cadre de sa collection d’adaptations des chefs d’œuvre classiques de la littérature mondiale, « Tom Sawyer » est indéniablement l’un des meilleurs. Il cumule en effet fidélité au roman d’origine, qualité d’écriture des scénarios, remarquable tenue des personnages sur l’ensemble de la série, qualités graphiques et cinématographiques, intelligence des propos, subtilité de l’humour, équilibre presque parfait entre aventure, comédie et drame… C’est suffisamment rare, qui plus est en 2018, pour être souligné.
Si la série est certes artistiquement inférieure aux réalisations antérieures et néanmoins comparables* d’Isao Takahata (« Heïdi », « 3 000 lieues en quête de Maman », « Anne des pignons verts ») et de Hayao Miyazaki (« Conan, fils du futur »), « Tom Sawyer » est le feuilleton animé – toutes origines confondues – qui se rapproche le plus de l’exigence d’ensemble qui a fait le succès mondial des deux cinéastes japonais.
La réalisation de Hiroshi Saitô, coupable en 1975 de l’excellente première adaptation animée de Maya, l’abeille (inégalée depuis), est de très haut niveau. Sa mise en scène est simple et efficace, par instants très singulière dans le registre de la production pour les jeunes publics. Elle tombe rarement dans la facilité. La synergie et l’abnégation de l’équipe de production, largement éprouvées par les antécédents glorieux déjà cités, se perçoivent dans le soin apporté aux mouvements et expressions des protagonistes, dans la qualité des décors, dans le jeu des comédiens de post-synchronisation, dans la musique, dans l’empathie suscitée par tous les personnages, y compris par le terrible Joe, l’indien, dont on finira par regretter la disparition.
L’ambiance générale, installée dès le premier épisode, traduit un profond respect pour le roman – parfaitement jubilatoire, rappelons-le – de Mark Twain.
Le ton direct de l’écrivain américain, l’espièglerie à peine édulcorée de Huck et Tom (sur laquelle repose la plupart des enjeux narratifs du récit) sont omniprésents.
Depuis 30 ans, on n’a pas produit une série animée « feuilletonnante » aussi longue, dans le même registre « familial et universel », qui se permettent la même insolence, sans céder ni à la vulgarité, ni à la provocation opportuniste. Chercher bien, vous trouverez difficilement. Même au Japon.
Comme dans le roman de Twain, la nostalgie transpire de partout. L’enfant, et l’adulte plus encore, la ressentent pleinement sous ses innombrables manifestations : nostalgie de l’insouciance, nostalgie du premier amour, nostalgie de l’éveil à la misère et à la violence des hommes, nostalgie du temps qui passe, nostalgie de la liberté.
Récemment, lors d’une rencontre dédiée aux nouveaux enjeux de l’éducation aux images, j’ai dû expliquer au responsable d’une association en charge de l’un des dispositifs déployé depuis 25 ans sur le territoire, qu’il existe – mais oui je vous assure ! – d’excellentes séries animées susceptibles de toucher les jeunes publics, lesquels sont de moins en moins réceptifs aux longs métrages de cinéma qui leur sont proposés. Allez savoir pourquoi…
Spontanément, je lui ai suggéré « Anne des Pignons verts » d’Isao Takahata, œuvre magistrale quasiment ignorée en France qui n’existe que dans une version francophone québécoise, laquelle vieillit assez mal. J’aurais dû plutôt lui parler de « Tom Sawyer » dont la version française, qui a nettement contribué à son succès transgénérationnel, conserve une remarquable fraîcheur !
Quoi qu’il en soit, j’ai bien senti, sans surprise, que mon interlocuteur n’en avait strictement rien à faire.
L’un des tous derniers plans du 49e et ultime épisode de la série rend un maladroit et discret hommage à John Lennon, assassiné à New-York, le 8 décembre 1980.
A l’évidence, ce plan aura été conçu avec une certaine précipitation : il montre le Dr Mitchell interrompu dans sa lecture d’un journal daté du 1er septembre 1880. Le gros titre arbore deux énormes fautes d’orthographe.
* Tous ces feuilletons animés ont été produits par Nippon Animation. Cette société a été fondée en 1975 sur les ruines de la société de production Zuiyô Eizô.
Cette dernière avait rencontré son premier grand succès avec « Heïdi, petite fille des Alpes », réalisé par Isao Takahata en 1974.
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