Sous quelle bannière, sous quel étendard déployer ce blog ?
Quelle “icône” synthétiserait le mieux l’art d’exprimer par le mouvement dessiné la beauté, l’absurdité, l’insignifiance, la cruauté de la vie ?
Quelle plus belle fantasmagorie que le plan bucolique du Conte des contes de Youri Norstein pouvait s’imposer en soulevant avec une simplicité désarmante autant d’interrogations aussi intimes que désespérément universelles ?
Ce plan panoramique reconstitué – qui n’apparaît pas en l’état dans le film – suggère à l’occasion le parti pris adopté dans les publications de ce site-ressource d’une constante contextualisation des opinions exprimées, à des fins pédagogiques.
Le voyageur qui se tient en retrait à son extrémité gauche, tel un observateur à distance suffisante pour préserver bienveillance et objectivité à l’égard du sujet de son attention, avise les facettes réflexive, conviviale et nourricière de son désir de création.
L’irrationnel n’est pas exclu de son allégorie immergée dans une réalité parallèle, la seule réalité qui compte. Celle de l’imaginaire insaisissable, incontrôlable, insondable.
Le seul véritable espace de liberté absolue.
“C’est un film-poème. De la philosophie visuelle.”
Fyodor Chitruk (in Magia Russica, documentaire de Yonathan et Masha Zur)
Le Conte des contes a 20 ans (extrait)
” […] Dans cette dernière et nonchalante rencontre devait apparaître tous ceux que je connaissais et aussi tous ceux qui n’étaient plus encore là… Et c’est au carrefour de leurs conversations que tout devait surgir. Toute l’histoire de la maison et, en fait, toute l’histoire du pays. Le film Le Conte des contes est celui qui m’est le plus cher parce qu’il est le plus personnel, parce qu’il s’agit, dans une large mesure, d’une confession. […]
Le Conte des contes – Proposition (extrait)
” […] Chaque journée existait en elle-même, le présent se déroulait aujourd’hui même et le jour suivant s’ouvrait au bonheur du lendemain. Toutes les vérités étaient simples, tout ce qui était nouveau plongeait dans l’étonnement, l’amitié et la camaraderie prévalaient par-dessus tout.
Et puis il y a cette éternelle remise au lendemain de la vie, qui touche nombre d’entre nous avec l’âge, on vit tant bien que mal, l’amitié n’est pas tout à fait de l’amitié et les joies ne sont pas reconnues comme des joies – celle du soleil, de la neige, du vent, de la promenade, de l’assiette bien lavée, du chien, du chat.
Pourvu que nous échappions à cette attente du destin !
Ce n’est pas de cela que traite le film. […]
Le Conte des contes (extraits)
“[…] Passe un voyageur, on l’invite à la table, le chat regarde la mer, dans la mer nage un poisson… Il ne se passe rien d’extraordinaire. Et en fait, cette absence d’événements me paraît beaucoup plus forte et grandiose que le passage constant et brutal d’un événement à l’autre, qui harcèle l’ouïe et la vue mais ne construit pas grand chose dans l’esprit. […]
Chacun d’entre nous peut se remémorer des moments durant lesquels il s’est senti en totale harmonie avec le monde. Ils sont rares ces instants, et ils ne peuvent être permanents. Mais ils nous donnent la force de vivre. Chacun a ses liens et ils peuvent sembler inattendus, voire étranges, aux autres. Ils peuvent sembler n’avoir aucun lien avec la notion de spiritualité, ces instants simples, mais sans eux la vie serait impossible. L’invitation à s’assoir à la table pour partager un repas… Un voyageur qui marche sur la route… Un secret d’enfant… Une feuille blanche sur la table du poète… Un arbre sur la terre… Des valeurs simples, quotidiennes. Ils ne renferment en eux-mêmes aucune intrigue. Ils sont, je le répète, trop simples pour cela. l’homme passe souvent à côté de ces instants sans les remarquer. Et ce n’est qu’après, plus tard, au seuil de la mort, qu’il comprend quelles sont les vraies valeurs de la vie et à côté de quoi il est passé en frappant de la paume une liasse de coupures et en relisant sans cesse le même livre : son livret de caisse d’épargne. Sur le thème de l’Éternité, je voulais montrer ce que nous devons conserver dans notre âme. […]”
Ces textes sont extraits du catalogue de l’exposition “Youri Norstein / Franceska Yarbousova” Salle Saint-Jean, Hôtel de ville de Paris (16 mars au 15 juillet 2001)
Pour visionner le Conte des contes :
• le film [ Skazka skazok] est distribué par Arkéion Films
• les références du DVD (épuisé et scandaleusement non-réédité !)
• en ligne, en mauvaise qualité et en deux parties
Deux études du Conte des contes :
• “Le Conte des contes, un palimpseste russe” in “La lettre volante” de Hervé Joubert-Laurencin (1997, L’œil vivant, p.180)
• “Le Conte des contes – une étude” in “Un abécédaire de la fantasmagorie – Prélude” de Pascal Vimenet (2015, L’Harmattan)
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Une sélection de photogrammes extraits du Conte des contes, en ordre chronologique d’apparition :
© Youri Norstein / Franceska Yarbousova
Crédits images
• En-tête et étendard de “Dess(e)ins animés” :
> Franceska Yarbousova, Midi
Maquette de décoration pour le film Le Conte des contes
1979, technique mixte (66 x 22,5* x 151 cm), Moscou
* Plan panoramique réalisé à la multiplane, d’où cette 3e dimension simulant la profondeur de champ.
• Première illustration de cet article :
> Youri Norstein, Invitation à table
esquisse d’après le film Le Conte des contes
2000, aquarelle et blanc de titane sur papier (80 x 200 cm), Moscou
• deuxième illustration de cet article :
> Youri Norstein, Repos
esquisse d’après le film Le Conte des contes
2000, aquarelle et blanc de titane sur papier (80 x 200 cm), Moscou
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