A partir de 2017, j’ai entrepris la rédaction d’un ensemble de 54 articles synthétisant tout ce qu’il faut savoir sur cette œuvre majeure de l’Histoire des dessins animés japonais, que je considère comme une sorte de maître-étalon du feuilleton animé, en termes d’écriture et de mise en scène notamment.
Il s’agit de la deuxième des trois séries-fleuves issue de la collection des « Œuvres classiques du monde entier« , réalisée par Isao Takahata en 1976.
Après Heidi, petite fille des Alpes (1974) et avant Anne aux cheveux roux (1979), 3 000 lieues en quête de Maman est la seule de ces trois séries animées à n’avoir jamais été traduite en français et, de fait, à n’avoir jamais été diffusée dans un pays francophone.
Vous en trouverez ci-dessous une description générale ainsi que des liens vers les articles consacrés à ses deux génériques et à ses 52 épisodes.
Chaque article contient un résumé illustré du récit, les enjeux artistiques à l’œuvre, une courte analyse d’un plan remarquable et quelques reproductions d’éléments de production récoltés ça et là.
Cette démarche rédactionnelle est strictement pédagogique et ne vise aucune finalité commerciale. Les ressources ainsi constituées – à l’instar de tous les contenus de ce blog – sont partagées gracieusement avec les internautes cinéphiles.
Haha wo tazunete sanzenri – 母をたずねて三千里
3 000 lieues en quête de Maman (traduction personnelle et non-officielle*)
52 épisodes d’environ 24 minutes chacun (hors génériques)
Réalisation : Isao Takahata
Scénarios : Kazuo Fukazawa
Conception scénique et layout (maquette des plans) : Hayao Miyazaki
Création des personnages et supervision de l’animation : Yoîchi Kotabe
Animation-clé : Yoîchi Kotabe, Reiko Okuyama, Yasuo Ôtsuka (entre autres)
Direction artistique (chef des décorateurs) : Mukuo Takamura
Production : Nippon Animation
Première diffusion japonaise : entre le 4 janvier et le 26 décembre 1976, à raison d’un épisode par semaine.
*Traduction du titre
Une traduction littérale un brin rigide serait « 3 000 lieues jusqu’à Mère »
Le titre anglophone, 3000 Leagues in Search of Mother, est ambigu quant à l’usage de l’appellation désuète, et à mon avis problématique, de « Mère ». Celle-ci sous-entend que le personnage principal, âgé de 7-8 ans et issu d’une classe très populaire, s’adresse à sa maman avec une déférence exagérée. Ce qui n’est pas le cas dans la série, en témoigne le titre du tout premier épisode qui recoure au terme familier « おかあさん » (okaasan).
J’opte donc plus volontiers pour l’utilisation du terme « Maman », avec une majuscule, pour ramener le titre au niveau du langage de l’enfant, celui qui vit cette aventure extraordinaire comme celui auquel ce récit s’adresse en priorité.
Par commodité, il m’arrive parfois d’utiliser dans les articles suivants uniquement le prénom du héros, Marco, en guise de titre abrégé.
Adaptation
La série animée est l’adaptation d’une histoire périphérique « Mai – Des Apennins aux Andes », intégrée au roman pour enfants « Cuore », publié en 1886 par l’écrivain italien Edmondo de Amicis. Autour de la trame centrale du roman, un maître d’école raconte des « histoires du mois » consacrées à des enfants hors du commun. L’histoire du mois de mai est consacrée au jeune Marco, petit garçon de Gênes.
Plusieurs traductions françaises du titre italien du roman coexistent : « Grands cœurs » (1896), « Grand cœur, le journal d’un écolier » (1960), « Le livre-cœur » (2001)
Enjeux narratifs
Contrairement aux standards actuels des séries aux multiples arches narratives entremêlées, que nous sommes habitués à consommer au 21e siècle, 3 000 lieues en quête de Maman développe un unique arc narratif à l’échelle des 52 épisodes de la série : le personnage principal veut retrouver sa maman envers et contre tous les obstacles.
Certes, cet enjeu ne s’exprime clairement qu’à partir de l’épisode 7 mais tous les épisodes qui le précèdent ne font que préparer le spectateur à l’inéluctabilité et à la plausibilité de la véritable odyssée de Marco jusqu’en Argentine.
Si parfois, le spectateur est amené à se détourner provisoirement du héros, c’est pour révéler l’incidence des actions parallèles de personnages secondaires sur la quête du jeune garçon.
Une quête aussi héroïque qu’initiatique qui conte avec bienveillance et une apparente objectivité une période de la vie d’un jeune individu qui grandit, surmonte des épreuves crédibles grâce à tempérament remarquable, non sans quelques soutiens providentiels.
Une lectrice ou un lecteur peu familier de la personnalité et des préoccupations politiques du cinéaste Isao Takahata pourra légitimement s’interroger sur ses choix d’adaptation dans le contexte de la production de ces trois séries. Outre le fait que les trois œuvres choisies valorisent une partie de la vie de trois enfants exceptionnels chacun à leur manière, il est important de souligner les valeurs communes qui jalonnent les trois récits. La condition sociale des trois enfants est très modeste. Ils sont tous les trois privés de cellule familiale normale : Heidi et Anne sont orphelines, Marco est séparé des siens. Leur bienveillance à l’égard de l’Autre – leur « grand cœur » – et leur détermination face à l’adversité leur permettent de transcender les difficultés et d’accomplir des prouesses dans lesquelles tout enfant peut se projeter à l’aune de ses propres expériences. Ces héros du quotidien sont désintéressés, ils agissent naturellement pour faire le bien, celui des autres et le leur. Ils aspirent à un bonheur simple, dans un environnement apaisant : si Heidi et Anne chérissent la nature qui les entourent, Marco s’épanouit pleinement dans son milieu urbain, pauvre mais intimement connecté à la mer et à la campagne.
Bien que ces trois séries ne véhiculent directement aucun message idéologique, des considérations politiques – au sens premier du terme – s’insèrent discrètement, de manière impressionniste, au détour d’un épisode ou d’une séquence. Ce fait est rarissime dans les productions adressées à la jeunesse.
Mais l’enjeu principal dans les trois cas est de donner à voir des enfants qui mûrissent et s’épanouissent intellectuellement. Ce qu’aucune production internationale n’a su reproduire ou prolonger depuis. Et ce sans faire l’économie d’une forme de représentation du réel dans la droite lignée du mouvement néo-réaliste du cinéma italien.
Comment ne pas penser au jeune Bruno du Voleur de bicyclette de Vittorio de Sica en regardant Marco se démener désespérément malgré l’adversité ?
Le caractère héroïque du personnage présenté dans le roman a été complètement gommé. Marco fait ce qu’il peut avec les moyens dont il dispose. Si héroïsme il y a, il réside dans sa détermination.
Conditions de production
Heidi, qui a inauguré le concept pérenne des adaptations sérielles de classiques de la littérature jeunesse du monde entier, a été développée dans des conditions de production telles qu’on imagine assez bien que la reconduction de la même équipe pour une série encore plus ambitieuse mais conçue sur une durée presque identique n’a pu être possible qu’avec de forts réajustements d’organisation.
Néanmoins, certains épisodes de 3 000 lieues en quête de Maman ont été fabriqués en un temps record, en quelques jours, et livrés à la chaîne de télévision à peine quelques heures avant leur diffusion. Le tout par une équipe très réduite et dans des conditions de travail difficilement imaginables sans une synergie et une abnégation collectives.
A l’aune de ces informations et au constat de la qualité élevée maintenue du début à la fin de la série, 3 000 lieues en quête de Maman est en soi une prouesse rarement égalée, rendu possible par une concentration de talents animés par les mêmes valeurs, mises au service d’un meneur charismatique, exigeant et sûr de lui.
Déclinaison et remake
3 000 lieues en quête de Maman a fait l’objet d’une déclinaison en long métrage en 1980, comme cela se pratiquait beaucoup au Japon dans les années 70 et 80. Le montage de ce film d’une durée de 107 minutes compile des séquences de la série télévisée. Isao Takahata a coréalisé cette déclinaison, c’est-à-dire veillé à un montage cohérent et conforme à l’esprit de la série.
En 1999, un remake a été produit. Celui-ci se basait sur le scénario du film-compilation précédent mais toute l’animation, tous les décors et la colorisation ont été modernisés, par une équipe totalement différente.
Artistiquement, ces deux films ne présentent que peu d’intérêt car l’essence et la force de l’œuvre originelle résident précisément dans le temps long du feuilleton (continuité morcelée et temporairement laissée en suspens) sur 52 épisodes. Une temporalité propice à faire ressentir au spectateur des notions fondamentales comme le manque de l’être aimé, les circonvolutions laborieuses d’un personnage livré à lui-même dans un monde plus ou moins hostile et la progressive maturité d’un individu accélérée par les obstacles surmontés.
Ce mode de diffusion étalée installe une frustration bénéfique chez le spectateur, qui lui apprend la patience et l’assiduité, stimule l’imaginaire et marque durablement son esprit critique en construction.
Droits des images
Les images utilisées dans cette série d’articles sont principalement des photogrammes extraits de la série. Ceux-ci sont miniaturisés pour coller autant que faire se peut au droit de citation d’une œuvre.
Les reproductions de dessins de production (maquettes de plan, planches de modèles et autres croquis) ont été trouvées sur Internet ou extraites de catalogues d’expositions.
Pour toutes ces images le copyright est Haha wo tazunete sanzenri ©Nippon Animation Co Ltd. 1976
Maquette du plan panoramique n°195 de l’épisode 12, dessinée par Hayao Miyazaki
• Génériques d’ouverture et de fin
• Épisode 1 : Ne t’en vas pas, Maman !
• Épisode 2 : Marco, un petit garçon de Gênes
• Épisode 3 : Un dimanche sur le port
• Épisode 4 : Je te déteste, Papa !
• Épisode 5 : Mon copain Emilio
• Épisode 6 : Le premier salaire de Marco
• Épisode 7 : L’océan semble petit, vu du toit
• Épisode 8 : La joyeuse troupe de Peppino
• Épisode 9 : Pardon, Papa !
• Épisode 10 : Des nouvelles de Buenos Aires
• Épisode 11 : La lettre de Maman
• Épisode 12 : Jour de sortie des dirigeables
• Épisode 13 : Au revoir, Fiorina
• Épisode 14 : La décision de Marco
• Épisode 15 : Vogue, Folgore !
• Épisode 16 : Le petit chef cuisinier
• Épisode 17 : La fête du passage de l’équateur
• Épisode 18 : Le navire d’immigrants à Rio
• Épisode 19 : Étoile brillante de la Croix du Sud
• Épisode 20 : Nuit de tempête
• Épisode 21 : Le Rio de la Plata est une rivière d’argent
• Épisode 22 : La ville où se trouve Maman
• Épisode 23 : Une autre mère
• Épisode 24 : Fiorina m’attendait !
• Épisode 25 : Le succès de la troupe de Peppino
• Épisode 26 : Direction la pampa
• Épisode 27 : Les larmes de Fiorina
• Épisode 28 : Le ranch Barbossa
• Épisode 29 : Chutes de neige
• Épisode 30 : Carlos, le vieux gaucho
• Épisode 31 : Une longue nuit
• Épisode 32 : Disons-nous au revoir !
• Épisode 33 : Maman n’est pas là
• Épisode 34 : Je dois retourner à Gênes !
• Épisode 35 : L’écriture chérie de Maman
• Épisode 36 : Adieu, Baia Bianca !
• Épisode 37 : Un voyage sans fin
• Épisode 38 : Pour Maman aussi c’est difficile
• Épisode 39 : Lever de soleil sur Rosario
• Épisode 40 : Une étoile italienne
• Épisode 41 : Si seulement je pouvais rentrer avec Maman !
• Épisode 42 : Pablo, le nouvel ami
• Épisode 43 : Quelque part dans cette ville
• Épisode 44 : Je veux aider Juana
• Épisode 45 : Loin plus au Nord
• Épisode 46 : Voyage en charrette à bœufs
• Épisode 47 : Maman se trouve au pied de cette montagne
• Épisode 48 : Ne meurs pas, mon petit âne !
• Épisode 49 : Maman appelle
• Épisode 50 : Cours, Marco !
• Épisode 51 : Maman, enfin !
• Épisode 52 : Retour à Gênes avec maman
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