> Achille préméditant l’assassinat de Troïlos – Fresque étrusque, nécropole de Monterozzi – Tarquinia
Alors que Jean-Claude Ameisen, de sa plus soporifique diction s’évertuait, dans sa dernière émission intitulée « L’image manquante », à expliquer par le biais d’exemples puisés dans l’art antique le processus psychique qui permet au cerveau humain d’élaborer un récit à partir d’une seule image, laquelle figurant un sujet en action/en mouvement induit une temporalité dans la représentation qu’elle propose, il n’est peut-être pas inutile de convoquer ici et maintenant la tentative de définition de l’animation énoncée par Norman McLaren, lequel exprimait quelques décennies plus tôt à peu près la même chose qu’Ameisen (citant l’écrivain Pascal Quignard(1), « Sur l’image qui manque à nos jours », Ed. Arléa).
« L’animation n’est pas l’art des dessins qui bougent, mais l’art des mouvements dessinés. […] Pour l’animateur, la différence entre chaque photogramme successif est plus importante que l’image qui se trouve sur chaque photogramme pris isolément. Elle est le cœur et l’âme de l’animation. Le graphisme, quoique très important aussi, n’a qu’une importance secondaire.
L’animation est par conséquent l’art de manipuler les différences entre les photogrammes successifs ou l’image sur chaque photogramme. (Et elle ne devrait pas se confondre avec l’excellence du graphisme en lui-même). » (2)
En d’autres termes, [Si] « l’animation est par conséquent l’art de manipuler les interstices invisibles qui sont entre les photogrammes« (2), ne peut-on pas considérer qu’elle est « l’art qui invente sans cesse l’image manquante » ? A l’aune de cette dernière considération, on se trouvera en mesure de trier plus efficacement le bon grain de l’ivraie, les spectacles vides des œuvres qui rendent l’âme meilleure.
Pourquoi ai-je soudain une pensée compatissante à l’égard des festivaliers sérieux d’Annecy ?
1 « Il y a une image qui manque dans toute image. […]
C’est ainsi que la peinture antique n’illustre jamais ce qu’elle évoque.
Elle figure le moment qui précède.
Dans le moment que montre la peinture romaine, on ignore encore ce qui va survenir.
L’image qui est à voir, qui est comme devant être vue, manque dans l’image. »
Pascal Quignard, « Sur l’image qui manque à nos jours » (Ed. Arléa)
2Traduction citée par Georges Sifianos dans son essai « Esthétique du cinéma d’animation »
Les deux autres œuvres citées en référence dans l’émission sont « L’homme blessé » de Lascaux et le plongeur peint sur la paroi interne du couvercle du sarcophage mis à jour en 1968 non loin de Paestum (Italie du sud).