Alice sort d'elle-même - Desseins animés

Plan extrait du film : Neco z Alenky
Réalisé par : Jan Svankmajer
Rép. Tchèque (Tchécoslovaquie) / 1988

Dans ce long métrage où presque chaque plan est une métaphore, l’élection de l’un d’entre eux relève de la gageure. Cela dit, pour que celui-ci soit resté gravé à ce point dans ma mémoire, il doit nécessairement – a minima – convoquer des sensations féminines très enfouies (animus vs anima ?). A moins qu’il ne traduise une aspiration personnelle très ancienne à déceler l’humanité qui anime (“donne une âme”) la création au lieu de céder à la jubilation égocentrique devant l’esthétisme de la création elle-même. Qui sait.

Au sein d’une sombre cave, à la moitié du film, Alice s’extrait de son enveloppe de poupée émaciée, s’émancipant (en rêve tout au moins) de la condition à laquelle semblent la prédestiner les événements insensés qui l’accablent.
Alice ne se montre-t-elle pas ici à l’image du monde tel qu’il devrait être ? Empli d’individus refusant la momification sous une identité factice, immobile et policée, revendiquant sans cesse le libre-arbitre dont le non-refoulement de l’imaginaire enfantin serait le principal corolaire, priorisant la fantaisie sur la raison.

“Les enfants sont […] pressés de devenir adultes – ce qui, bien sûr, est de leur part une erreur analogue à l’idéalisation de l’enfance qui nous vient avec l’âge. Personne ne sait être aussi cruel qu’un enfant… Mais je ne veux pas, par là, désavouer mon enfance ; je veux seulement garder à son égard une attitude “active”.” *

J’aime à lire ce “plan-gigogne” comme un contrepoint radical à l’image aseptisée d’Alice que Walt Disney a largement contribué à façonner, pervertissant le personnage ambivalent inventé par Lewis Carroll en poupée néo-Victorienne, archétype insidieux d’un puritanisme consensuel ravageur. C’est dit, c’est écrit.