Long métrage de Sunao Katabuchi
Distribution/édition : ESC
Durée du film : 130 mn
L’adaptation cinématographique du manga de Fumiyo Kôno est l’une des grandes et belles surprises de l’année écoulée.
Sunao Katabuchi signe d’une main de maître cette réalisation moins conventionnelle qu’elle n’y paraît de prime abord.
Comme dans ses deux précédents longs métrages, Princess Arete (2001) et Mai Mai Miracle (2009), le cinéaste s’attache, plus qu’à créer du spectacle, à peindre par touches impressionnistes le portrait mélancolique d’une jeune femme intègre et déterminée.
A contre-courant des sentiers battus et rebattus par l’écrasante majorité de ses coreligionnaires masculins (la direction de longs métrages de dessins animés demeurant au Japon, comme ailleurs, une affaire d’hommes), Sunao Katabuchi ne cède à aucune facilité habituelle. Suzu, son personnage principal, ne possède pas de charme particulier. Sa portance est commune voire disgracieuse. Son existence exclusivement domestique est d’une banalité confondante. Son unique talent pour le dessin sera presque anéanti par un accident, tragique et néanmoins ordinaire dans le contexte des bombardements américains de 1945.
La force et l’intérêt de ce récit sensible réside dans la grande pudeur avec laquelle il décrit la normalité des vies qui s’entrecroisent et croisent, de près comme de loin, l’injustice aveugle de la guerre. Cette pudeur se retrouve même dans le traitement de la catastrophe nucléaire, paroxysme vers lequel le scénario impeccable de Katabuchi nous accompagne, lentement mais inéluctablement. Nous ne verrons de l’explosion qu’un flash, derrière la cime des montagnes, un flash au moins aussi oppressant que la vision des corps désagrégés de Pica-don (1979, Renzo Kinoshita) ou de Gen d’Hiroshima (1983, Masaki Mori, d’après Keiji Nakazawa).
Dans un recoin de ce monde, le leur, le nôtre, la vie continuera, malgré tout.
La plus belle séquence du film convoque avec intelligence les “clignements vides” de Norman McLaren.
Extrait du manga de Fumiyo Kôno
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