Pain in the app

painanimation

La création animée cantonnée au registre cinématographique est toujours aussi enthousiasmante. Mais celle qui s’exprime au-delà, dans la production de contenus interactifs et/ou immersifs à vocations culturelle, pédagogique ou scientifique, l’est plus encore. On oublie d’ailleurs un peu vite que l’art de l’animation, de très loin « pré-cinématographique », s’applique, depuis qu’il existe sous forme de films, à représenter l’invisible et l’indicible pour d’autres finalités que le seul spectacle audiovisuel. Rappelons les œuvres de propagandes internationales (dont Matches An Appeal de l’anglais Melbourne Cooper a été la préfiguration en 1899), le premier time laps de Frederick S. Armitage (1901), les expériences entomologiques de Ladislas Starevitch (1909), les publicités préventives de Marius O’Galop (1912)… La liste coure jusqu’à nos jours.

En 2018, dans le flux incessant des innovations recourant aux principes et aux « pouvoirs magiques » de l’image animée, apparaît un bel exemple pratique mis en évidence par le site new-yorkais Cartoon Brew. Voici une partie de la traduction des propos relayés dans cet article.
Une application, nommée « PainAnimation » et développée par un groupe de chercheurs du département de médecine de l’Université de Pittsburgh (Pennsylvanie), a été conçue pour visualiser et évaluer la douleur ressentie par des patients, à partir de l’analyse de leur propre expression de cette douleur.
Le professeur Charles Jonassaint, en charge de ce projet, justifie ainsi le recours à l’imagerie animée : « En utilisant l’animation, nous acquérons le pouvoir de comprendre plus rapidement et plus précisément la douleur ressentie par une personne, et, plus important encore, de proposer les traitements les plus efficaces en évitant ceux qui ne le sont pas. »
Dans ses grandes lignes, le fonctionnement de l’application est le suivant :
le patient reçoit d’abord une sélection d’animations géométriques qu’il peut utiliser et moduler pour décrire la gravité de sa douleur.
Ces animations peuvent en effet être ajustées, en augmentant ou en diminuant leur vitesse, en jouant sur la saturation des couleurs, sur leur mise au point et leur taille, afin de coïncider précisément à la douleur décrite.
L’application permet parallèlement à l’utilisateur « d’étiqueter » sa douleur sur un corps humain. Il localise ainsi la ou les zones de son corps affectée(s) par la douleur.

« Nous pensons qu’utiliser des animation pour mesurer la douleur permet au patient non seulement de décrire les sensations douloureuses au plus près de son expérience, mais aussi de minimiser les obstacles potentiels à l’évaluation de cette douleur. En outre, nous pouvons réduire le fardeau des évaluations longues et détaillées de la douleur tout en collectant des informations pertinentes sur le ressenti de chaque patient grâce à un outil facile d’usage, nouveau et engageant. »
Accessoirement, ce procédé peut diminuer considérablement le stress du patient, en particulier s’il s’agit d’un enfant ou d’une personne psychologiquement fragile. Ce qui est tout sauf négligeable quand on sait la forte incidence des angoisses sur la gestion des douleurs, quelles qu’elles soient.

Doté d’un tel outil d’extraction d’une matière première que l’on peut qualifier de « documentaire », rien n’interdit d’envisager des créations narratives réalisées à partir de représentations générées par la transcription de douleurs réelles, plus ou moins intenses, plus ou moins longues, ressenties dans des contextes différents (attentat, zone de conflit, accident de voiture, accident domestique, etc.).
Retour au cinéma. La boucle est bouclée.

 

 

painanimation_testCes représentations montrent, d’une part, un modèle d’animation « paramétré » par un patient
(une pointe triturant longuement une surface molle) et, d’autre part,
la traduction ciné-graphique abstraite de la douleur ressentie.

 

 

 

 

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