Émile Reynaud – Nouveaux regards

 

Sous la direction de Sébastien Roffat, Sylvie Saerens (arrière-petite-fille d’Émile Reynaud) et Pascal Vimenet
Editions L’Harmattan – 2023
Collection “Cinémas d’animation”, désormais dirigée par Jérôme Dutel, Cécile Noesser et Pascal Vimenet
272 pages
ISBN : 978-2-14-032035-4

Émile Reynaud et ses deux fils, André à gauche et Paul à droite (vers 1896)

 

Ce recueil épistémologique au destin chaotique – car marqué par le décès brutal de son principal initiateur, Sébastien Roffat – vient compléter la trop rare littérature spécialisée existante sur la personne et l’œuvre de l’inventeur du cinéma (dispositif de projection mécanique et sonorisée d’images en mouvement), quelques années avant l’apparition des premières caméras de”vues en continu*”.
On ne le répétera jamais assez : les dessins animés projetés en public sont apparus avant les films de vues dites “réelles*”, et ce dès octobre 1892 grâce au français Émile Reynaud.
Ce dernier est longtemps resté confiné dans les oubliettes de l’Histoire. Combien de personnes autour de vous connaissent son existence ?
Sa vie et son œuvre n’ont fait à ce jour l’objet que d’une poignée de publications sérieuses en langue française, et n’ont connu qu’une timide réhabilitation médiatique au début des années 2000, lors de la création de la “Fête du cinéma d’animation”, articulée autour de la date symbolique du 28 octobre, référence à la première projection des “Pantomimes lumineuses” d’Émile Reynaud, au musée Grévin, à Paris.
Ces précisions faites, on comprend mieux d’où l’on part sur ce sujet, pourtant éminemment patrimonial et universel. et pourquoi ce nouvel ouvrage pourrait constituer une étape essentielle dans la prise de conscience collective qu’il est grand temps de replacer l’art animé à sa juste position hiérarchique.
“Pourrait” car, à l’instar de toutes les publications aussi spécialisées, si peu vulgarisatrices et si peu attractives au commun des mortels, ce livre est dense, scientifiquement rigoureux, passionnant à bien des égards au prix de quelques efforts que nous sommes a priori peu nombreux à daigner produire en dépit des bénéfices à en tirer.
Personnellement, j’ai spontanément apprécié les traductions – inédites à ma connaissance – de l’essai d’Alan Cholodenko (théoricien étasunien du cinéma), “L’animation du cinéma**” (prix McLaren-Lambart en 2010 du meilleur article scientifique sur l’animation de la Society for Animation Studies), et de la communication de son contradicteur, Donald Crafton (historien étasunien du cinéma d’animation), “Les ancêtres cachés de l’animation et du cinéma***” (2010).

 

* J’essaye autant que faire se peut de bannir de mon vocabulaire la locution “vues réelles” au profit de “vues en continu”, considérant la réalité tangible des vues filmées/photographiées/numérisées qui constituent la matière du cinéma d’animation et relativisant la nature “réelle” des vues enregistrées en continu par une caméra.
** On peut notamment y lire “Le film d’animation n’a pas seulement précédé l’avènement du cinéma mais l’a engendré ; […] le développement de toutes ces technologies du XIXe siècle – jouets optiques, études sur la persistance de la vision, le projecteur, la bande de celluloïd, etc. – devait, avec l’exception de la photographie, aboutir à une combinaison/synthèse avec l’appareil d’animation du Théâtre optique d’Émile Reynaud en 1892 ; […] inversant l’idée générale [selon laquelle l’animation était le beaux-fils du cinéma, sa forme la plus inférieure, en tant qu’enfant du cinéma adulte], le cinéma pouvait alors être considéré comme l’enfant de l’animation.”
Citation d’Alan Cholodenko de l’introduction de son propre livre “The Illusion of LIfe – Essays on animation” (1991)
*** Conclus par ce constat que je défends inlassablement : “[…] il serait utile d’avoir plus de clarté et de précision historique sur la sémantique des différentes formes et significations de l’animation.

 

Croquis d’Émile Reynaud, dessinés à Trouville ;) en avril 1893
Probablement des croquis d’inspiration pour la bande Autour d’une cabine, conçue entre 1893 et 1894.

 

Quatrième de couverture

Émile Reynaud (1844-1918) est-il un pionnier parmi d’autres ou le pionnier du cinéma ?
C’est la question posée par des chercheurs internationaux exceptionnellement rassemblés sur cette thématique. Ce livre interroge tour-à-tour la pratique photographique du pionnier et ce que l’on sait aujourd’hui de son invention principale, le Théâtre optique (1889) et de ses Pantomimes lumineuses – “dessins animés” en couleur et sonorisés projetés sur un écran, pour la première fois au monde au musée Grévin, à Paris, en 1892.
Métaphoriquement, “Émile Reynaud – Nouveaux regards” est aux ouvrages qui l’ont précédé ce que le nouveau télescope James Webb et à l’ancien télescope Hubble : il permet – en étudiant la face caché, la conservation actuelle, l’historiographie et la contemporanéité de Reynaud – de distinguer le big-bang qui a vu naître le cinéma.
Espace polymorphe et dédalique, ce volume, qui met en lumière quelques zones en jachère, est, en outre, jalonné de documents iconographiques inédits.
Cet incontournable de l’historiographie cinématographique contemporaine, dirigé par Sébastien Roffat, Sylvie Saerens et Pascal Vimenet, est dédié à Sébastien Roffat, décédé le 5 septembre 2022.

 

Gros plan d’un fragment de la bande perforée d’Émile Reynaud Pauvre Pierrot (1888-1891),
l’une des deux bandes des pantomimes lumineuses conservée.
La zone noircie de l’image peinte obstruant la lumière du projecteur,
les figures de Pierrot et Colombine se superposaient au décor.

 

Extrait animé de la Pantomimes lumineuse “Pauvre Pierrot” reconstituée

 

Sommaire :

In memoriam Sébastien Roffat
par Sylvie Saerens et Pascal Vimenet

Préface
par Sylvie Saerens

Introduction
par Pascal Vimenet

LA FACE CACHÉE DE REYNAUD, DÉFRICHER, DÉCHIFFRER

Journée d’étude
Préambule de Sébastien Roffat

Émile Reynaud et la photographie
par Sylvie Saerens

ICONOGRAPHIE EN COULEURS 1

Pantomimes lumineuses et photo-peintures
Pour une nouvelle lecture thématique et esthétique d’Émile Reynaud
par Pascal Vimenet

LES BANDES DES PANTOMIMES LUMINEUSES
CONSERVATION, RESTAURATION, DIFFUSION

Introduction
par Christèle Odoux

La bande Pauvre Pierrot d’Émile Reynaud pour le Théâtre optique
Analyse technique et état de conservation
Annaé Annenkoff

ICONOGRAPHIE EN COULEURS 2

Les reconstitutions de Théâtre optique et les adaptations cinématographiques
d’après les Pantomimes lumineuses d’Émile Reynaud
par Christèle Odoux

Les travaux de Julien Pappé autour d’Émile Reynaud
Bandes de projection pour la reconstitution d’un Théâtre optique pour le musée Grévin
par Christèle Odoux

HISTORIOGRAPHIE

Émile Reynaud et ses “bandes dessinées” au carrefour des projections lumineuses, des images mouvementées et des images graphiques
Entrevue de Marion Charroppin avec André Gaudreault et Philippe Marion

L’animation du cinéma
par Alain Cholodenko

ICONOGRAPHIE EN COULEURS 3

Les ancêtres cachés de l’animation et du cinéma
Donald Crafton

Débats animés sur l’animation
La querelle Donald Crafton/Alain Cholodenka
par Jean-Baptiste Massuet

CONTEMPORANÉITÉ

Émile Reynaud : un héritage animé
par Christine Veras

ICONOGRAPHIE EN COULEURS 4

Objets dérivés, deux témoignages

Table des illustrations
Biographie des auteurs

 

 

Reconstitution d’un Théâtre optique d’Émile Reynaud (Cinémathèque française)

 

 

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