Rhâââ ouuuuui, le « Toucher français » !

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Pour stimuler le temps de cerveau disponible de ses auditeurs bobo-branchouilles, entre les publicités pour une chaîne de magasins de produits cosmétiques et la prévention du cancer colorectal, France Inter a eu la bonne idée de délocaliser l’enregistrement de trois de ses émissions sous les vérandas de l’Impérial Palace (site du Marché International du Film d’Animation d’Annecy), ce vendredi 17 juin 2016.

Officiellement, il s’agissait de donner un coup de projecteur sur l’animation française, à laquelle le Festival International du Film d’Animation d’Annecy – dont le centre névralgique est situé à un bon kilomètre de là – entendait rendre hommage pour sa 40e édition. Officieusement, la radio d’État emboîtait ainsi le pas au chef du même nom, venu l’avant-veille honorer de sa rondouillarde bonhommie le raout annuel de l’un des rares secteurs de l’économie hexagonale à bénéficier d’une encore belle cote à l’exportation.
A minima, l’opération laissait présager un éventuel traitement médiatique documenté. En rêve, on imaginait même, un clin d’œil impertinent à la lutte des jeunes animateurs pour un salaire décent… Finalement, le coup de com’ s’est fourvoyée dans un flot de lieux communs qui auront badigeonné de couches grossières le portrait déjà bien schématique de la production française que les principaux médias nous dépeignent épisodiquement sur une tonalité désespérément monochrome.
« Rien de neuf » soupireront les habitués.

Invité-vedette de l’émission comique « Si tu écoutes, j’annule tout », le vendredi 17 juin, Michel Ocelot, grand déconneur devant l’Éternel – c’est bien connu – était interpelé, entre deux blagues pourries, sur sa filmographie et sur l’actualité politico-footballistique. Au « papa de Kirikou« , il restât finalement peu d’espace pour évoquer l’état de santé de l’animation française.
Elle se porte à merveille, merci, sujet suivant.

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Les 52 minutes de l’émission « Pop Fiction », produite et animée par Ali Rebeihi (diffusée le dimanche 19 juin), pouvait laisser espérer une approche un peu plus argumentée du « Toucher Français » (« French touch« , pour les intimes) en présence de deux de ses têtes de gondoles les plus prestigieuses : Jacques Bled, directeur du studio Illumination McGuff, filiale américaine d’Universal et Kristof Serrand, directeur de l’animation chez Dreamworks SKG (adossée à NBC Universal).
Qui mieux en effet que ces ambassadeurs du rêve hollywoodien pouvaient vanter avec une objectivité toute sympatoche la productivité à la française à coups de « ah, le formidable réseau des 25 (??) écoles françaises« , de « oh, le succès planétaire des Minions« , de « Rhâââ ouuui, les centaines d’étudiants recrutés avant diplôme« , de « chouette, le scandale du cartel anti-concurrence dans lequel Dreamworks/Universal est partie prenante« … Euh non… Ce sujet-là ne fut pas évoqué.
Le temps manquât à l’évidence pour cet aspect rabat-joie mais il ne manquât point pour la chroniqueuse mondaine, Guillemette Odicino, qui remporta haut la main le pompon de l’infantilisation critique. Entre deux « moi je », 215 « voilà » et quelques injonctions aussi emphatiques que désespérément creuses en faveur des deux productions encensées médiatiquement dix jours plus tôt à Cannes (effet rétroactif, sans doute, des cocktails servis à la soirée Wild Bunch*), la thuriféraire s’est étonnée que le cinéma d’animation puisse se targuer d' »une importante communauté« , composée de professionnels, de fans, d’experts et même les trois à la fois, capables d’applaudir « la présence de tel ou tel animateur au générique final d’un film« .

En 2016, nous en sommes donc encore là.
L’animation française reste désespérément sous-évaluée par les médias de masse, à l’aune unique de ses success stories internationales, par le seul prisme de sa vitrine commerciale, le long métrage familial.
Sans un seul mot sur la compétition de courts métrages, sur le foisonnement créatif des films de fin d’études, sans un mot sur les cycles de conférences où se discute l’avenir de l’imagerie planétaire, sur les programmes spéciaux jonchés de pépites patrimoniales, sans un mot sur l’exposition Laguionie, voire sur l’animation sud-coréenne, invitée cette année, le cinéma d’animation continue et continuera encore longtemps de n’être que cette fourmilière anecdotique dont le monticule apparent se met à grouiller une ou deux fois par an.
Et après, on s’étonne encore des audiences confidentielles des quelques productions nationales moins formatées que les autres face aux « rouleaux compresseurs américains ».
Les grandes causes produisent pourtant de grands effets.

 

* Quelques jours après la rédaction de cet article, j’ai pu visionner le long métrage de Michael Dudok de Wit, La tortue rouge, dont la chroniqueuse fit l’éloge à coups de surlignages quasi-orgasmiques, emboîtant ainsi le pas moutonnier de toute la presse, spécialisée ou non. Cette unanimité critique envers un film finalement très décevant m’apparaît aujourd’hui encore plus suspecte…

 

 

 

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