Jasmine d’Alain Ughetto

jasmine

Distribution/édition : Shellac
Durée : 70 mn (hors suppléments) Suppléments au long métrage :
• 3 courts métrages d’Alain Ughetto (26 mn)
L’échelle (1981)
La fleur (1983)
La boule (1954)

 

Entièrement tourné derrière l’écran du cinéma marseillais l’Alhambra, dans un décor urbain d’emballages de protection en polystyrène, le « documentaire animé » mêlant la petite et grande Histoire du « cinéaste oublié » Alain Ughetto est sans conteste l’un des plus beaux poèmes filmiques que le long métrage d’animation français ait engendré depuis L’enfant invisible d’André Lindon (1984).
Jasmine est un hymne à l’acte de création dans toutes ses occurrences (préparation de la matière, palpation sensuelle des objets à animer, dramaturgie de l’éclairage, hybridation technologique), et à son essence corolaire (le deuil d’une vie sans l’autre, ici). Alain Ughetto y exorcise une douleur des plus intimes, elle-même inscrite dans un contexte politique incandescent qui la dépasse. Ce qui rend d’ailleurs d’autant plus appréciable la distance subtile, loin d’une désolation mégalomaniaque, qu’il sait imposer à son récit lequel serait, selon le cinéaste Denis Gheerbrant* « archétype d’un amour fou pris dans la folie des hommes, s’il n’était parcouru par le doute et la conscience de tous les aveuglements, petites lâchetés et actes manqués qui font la vie.« .
Pour instaurer cet espace de pudeur, Jasmine convoque par intermittence l’image délabrée d’un passé érodé et l’abstraction allégorique, notamment dans une scène d’amour d’anthologie où la bichromie de ses deux marionnettes de pâte à modeler fusionne en ondes méditerranéennes. Une séquence qui fait écho aux ébats argileux exposés dans Les possibilités du dialogue du tchèque Jan Svankmajer, avec lequel Alain Ughetto semble partager l’inclination à l’érotisme  tactiliste.

A travers les correspondances que le cinéaste échangea à la fin des années 70 avec sa compagne iranienne, se déplie le récit mélancolique de deux chemins qui se séparent inéluctablement. Leurs échanges épistolaires constituent la trame narrative d’une mémoire à vif, étayée par les voix off de Jean-Pierre Darroussin (toujours impeccable) et d’une comédienne iranienne créditée sous le pseudonyme de Fanzaneh Ramzi (dont on pourra regretter la lecture un peu trop appuyée par moment), d’une histoire précieuse car bouleversante de banalité.

* Extrait d’un article publié dans « La lettre de l’AFCA » du 3e trimestre 2013, restitué dans le livret d’accompagnement du DVD, en introduction d’un entretien avec Alain Ughetto.

anima

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