Plan extrait du film : Kôkaku kidôtai
Réalisé par : Mamoru Oshii
Japon / 1995
Le spectateur néophyte qui pénètre le concept de Ghost in the Shell par le biais du long métrage de Mamoru Oshii ne dispose que de très peu de clés sur le sujet de fond qu’il traite, au stade où le plan ci-dessus apparaît à l’écran. A la fin de la première demi-heure, le personnage principal du récit, le Major Motoko Kusanagi (« humaine cybernétiquement augmentée » agent de la Section 9 du service de Sécurité publique), entame un cheminement spirituel déterminant qui la conduira à se fondre dans le réseau informatique planétaire.
Alors que le long métrage se déroule quasi-exclusivement sous une lumière artificielle nocturne, dans des tonalités chromatiques sombres et froides, ce plan-miroir symbolise à la fois le désir du personnage d’accéder à un autre niveau d’humanité et prophétise la copie-fantôme (le ghost) d’elle-même qui sera produite au dénouement pour la sauver.
Si Mamoru Oshii excelle à réinventer les codes de la science-fiction, s’abreuvant de toute la grammaire cyberpunk, il propose une vision résolument poétique du transhumanisme, qui va puiser son souffle dans les profondeurs de la philosophie taoiste/zen (recherche de la voie, plénitude du vide, non-action, …). Contrastant avec l’ensemble énergique du long métrage, la suite de séquences annoncée par ce plan relève d’une pause contemplative singulière à l’échelle de toute la production japonaise de films d’animation.
« On trouve que mes films sont difficiles à comprendre parce que je ne veux ni me servir du montage ni des mouvements de caméra pour aider le spectateur, je ne veux pas le guider, l’attirer trop facilement vers une idée toute faite. Je ne dirige pas le spectateur, je veux qu’il réfléchisse. Mon style contient une dimension objective, et en cela mes films sont plus faciles à préparer, à construire. Chaque séquence se prête à diverses interprétations et analyses. Ce qui compte le plus pour moi cependant est le temps du film. Le temps réel m’intéresse, qu’on ressente objectivement le temps qui passe dans le récit […] sur les personnages. »
Propos de Mamoru Oshii, recueillis en janvier 2007 par Stephen Sarrazin (trad. Yukiko Kono) pour Les cahiers du cinéma.
Dès 1985, dans son troisième et très méconnu long métrage L’œuf de l’Ange, Mamoru Oshii recourait déjà au plan comparable d’un personnage féminin – avatar possible d’une sainte vierge syncrétique – embrassant un double de lui-même et brouillant ainsi un peu plus encore les pistes d’interprétation d’un récit presque totalement impénétrable.
Une images-ricochet
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