La renarde, le lièvre et l’antilope d’or

 

Voilà tout juste un an, le distributeur français Malavida avait l’excellente idée de ressortir un programme de classiques de l’animation russes issus des prestigieux studios soviétiques Soyouzmoulfilm. Ce 27 mars arrive une deuxième volée comprenant le moyen métrage de Lev Atamanov, L’antilope d’or (1954), et le court métrage réalisé en 1973 par Youri Norstein, La Renarde et le lièvre.
Ce dernier, techniquement moins sophistiqué que ses courts métrages suivants plus renommés, préfigure admirablement le talent de conteur et le discret sens comique de Norstein, étayés par la beauté esthétique des dessins de sa compagne, Franceska Yarbousova. Observer leurs personnages de papiers découpés se mouvoir sans fioritures animationnelles et avec un tel charisme est une véritable leçon d’anti-sensationnalisme qui fait mouche à tous les coups. On ne compte plus les films produits jusqu’à aujourd’hui imitant ce style jusqu’à la caricature et cette mise en scène, amoureuse de la matière graphique, qui se joue avec insolence des espaces sur-cadrés censés circonscrire l’action.

L’antilope d’or est emblématique de la voie hyper-classique, lyrique et pompeuse, dont Lev Atamanov parviendra partiellement à s’émanciper dans son chef d’œuvre, La Reine des neiges (1957).
On y perçoit distinctement l’ambition soviétique de concurrencer sur son propre terrain les productions Disney (« Guerre froide » oblige) et l’influence des Voyages de Gulliver (1939) des frères Fleischer, en particulier dans le recours, pénible sur la longueur, à la rotoscopie et dans la sophistication formelle des décors peints. Plus étonnant peut-être, des détails appréciables uniquement par les plus cinéphiles, exposent des effets de mouvement singulièrement élégants qu’on ne trouve à l’époque que chez Grimault (La bergère et le ramoneur, 1952). Et surtout une séquence d’ouverture – poursuite effrénée qui fait entrer le spectateur brutalement dans le récit, posture anti-disneyenne évidente – ne sera pas sans leur évoquer celle du premier long métrage réalisé laborieusement quinze ans plus tard par Isao Takahata, Hols, prince du soleil.

En voir donc, sur grand écran (les deux films étant visibles sur Internet), avec sans enfants avec soi.

« La rencontre du lièvre avec le taureau et le loup »,
esquisse préparatoire de Franceska Yarbousova (1973)

 

« La rencontre du lièvre avec l’ours »,
esquisse préparatoire de Franceska Yarbousova (1973)

 

 

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