Le 12 octobre prochain est annoncée la ressortie au cinéma, en version “ultra haute définition*” de La revanche des humanoïdes d’Albert Barillé.
Comme cela se pratiquait beaucoup dans les années 80, notamment au Japon, ce long métrage regroupe les six derniers épisodes de la série télévisée “Il était une fois… l’Espace”.
Celle-ci a été coproduite en 1981 par la société Procidis (France) et le studio japonais Eiken (anciennement Tele-Cartoon Japan), avec des apports financiers belges, canadiens, italiens, espagnols, hollandais, norvégiens, suédois et suisses. Ses 26 épisodes de 24 minutes chacun ont été diffusés en France à partir d’octobre 1982. Le long métrage-compilation est sorti quant à lui en 1983 dans les salles françaises. Il ressurgit de son sarcophage poussiéreux quarante ans plus tard.
J’ai eu récemment la possibilité de visionner la copie qui sera proposée aux spectateurs en octobre prochain et, d’emblée, j’ai forcément tiqué sur l’absence criante, dans les deux génériques du film, de la moindre mention de la contribution japonaise, pourtant essentielle, à la fabrication qualitative de cette œuvre. Je vous renvoie vers l’article que j’ai consacré à la série fondatrice “Il était une fois… L’homme” où j’explique la démarche quasi-systématique adoptées dans les années 80 par les producteurs et diffuseurs français d’invisibilisation volontaire et zélée de toute trace de japonéïté dans les séries importées et coproduites avec le Japon. Des agissements aux motifs aussi obscurs qu’irrespectueux des droits élémentaires des auteurs et artistes œuvrant de concert sur une même production, qui ne devraient plus, normalement, avoir cours en 2022.
Rappelons que dans le prolongement du succès phénoménal en France des première séries animées japonaises à partir de l’hiver 1977 (donc, bien avant la privatisation de TF1 en 1986), les chaînes de télévision et une grande partie des professionnels de l’industrie naissante de l’animation française affichaient un positionnement des plus hypocrites vis-à-vis des dessins animés japonais, entre exploitation des savoir-faire indiscutables garantissant le succès d’audience et rejet médiatique caricatural d’une violence généralisée, présentée comme intrinsèque aux productions nippones. On trouve encore les stigmates de cette bien-pensance de façade dans la page Wikipédia consacrée à la série “Il était une fois… l’Espace” (chapitre “Création”).
J’ose espérer que d’ici au mois d’octobre, le distributeur du film aura corrigé cet oubli malencontreux.
Le récit de La revanche des humanoïdes, bien que marqué par la patine des années, développe un propos philosophique, mystique et politique (écologiste, anti-colonialiste, pacifiste) plus que jamais en résonance avec le monde d’aujourd’hui, dans la droite lignée du pessimiste et prophétique ultime épisode de la série “Il était une fois… l’Homme”. C’est précisément cette tonalité qui a fasciné et marqué les premiers publics de la série “Il était une fois… l’Espace”.
Ici, les humains, aussi “civilisés” soient-ils, sont ramenés à la vanité de leur quête de développement entropique par une force supérieure, d’abord menaçante puis bienveillante. En cela, les enfants et pré-ados de 2022 pourront trouver un certain intérêt au contact de cette science-fiction réflexive très inspirée par les péripéties intergalactiques de la franchise Star Trek. Laquelle brassait et brasse encore thématiques et motifs emblématiques issus des romans d’Asimov, Dick, Bradbury, Hamilton et consorts. Barillé y ajoutant, consciemment ou pas, des motifs chers à Barjavel, Wul et Herbert, entre autres.
Il se peut, en revanche, que ces mêmes jeunes publics soient peu séduits par l’esthétique vieillotte de ce space opera lui aussi maintes fois dépassé, par l’animation maladroite (dont les défauts sont exacerbés par la très haute définition de l’image sur écran géant), notamment l’animation des scènes d’actions, et par la mise en scène poussive de cet ensemble dramatique de 94 minutes, où l’humour et l’émotion se font très discrets, voire inexistants.
Sur un autre plan, en tant que programmateur de films d’animation en salle, aux premières loges du délitement des audiences cinématographiques, en particulier pour les propositions alternatives aux gras divertissements familiaux saturés d’effets spéciaux ou de gags grossiers, je m’interroge sur la pertinence du recyclage d’un tel produit dérivés, déjà en 1983 contestable.
Le format sériel répond à une écriture qui intègre, plus encore hier qu’aujourd’hui, la rupture de continuité du récit, l’attente de la suite d’un épisode à l’autre (pendant laquelle le spectateur mobilise son imagination), les passerelles et échos disséminés dans les différents épisodes, des arcs narratifs au déploiement progressif, … Le prologue très confus de La revanche des humanoïdes témoigne d’ailleurs d’une tentative assez vaine de re-contextualisation du récit dans un ensemble sériel.
Le re-montage au format du long métrage d’épisodes – certes, feuilletonnants – d’une séries animée trahit nécessairement l’intégrité scénaristique de l’œuvre initiale, ne serait-ce que par la suppression de 50 minutes de séquences du récit originel. Même avec la meilleure volonté d’entretenir la survie des œuvres cinématographiques patrimoniales et malgré un farouche militantisme en faveur de l’expérience collective du cinéma en salle, le respect de l’intérêt des jeunes spectateurs et de leur parents m’incitent à les renvoyer sans hésitation vers la série télévisée, par ailleurs toujours diffusée sur certaines chaînes publiques et accessible en permanence en ligne.
Le fameux “Grand Ordinateur” pourra faire sourire les spectateurs de 2022 !
On leur rappellera juste qu’en 1982 l’Internet mondial n’existait pas, le cloud encore moins.
L’idée même de dialoguer à distance avec un interlocuteur par écrans interposés relevait de la même utopie que les voitures volantes et les voyages spatio-temporels.
Les épisodes de la série “Il était une fois… l’Espace”
1. La planète Oméga
2. Les Sauriens
3. La planète verte
4. Du côté d’Andromède
5. Les Cro-Magnons
6. La révolte des Robots
7. La planète Mytho
8. Le long voyage
9. À Cassiopée
10. La planète déchiquetée
11. Les naufragés de l’espace
12. Les Géants
13. Les Incas
14. Chez les dinosaures
15. Les anneaux de Saturne
16. L’imparable menace
17. Terre !
18. L’Atlantide
19. L’étrange retour vers Oméga
20. La revanche des robots
21. Les humanoïdes
22. Un monde hostile
23. Cité en vol
24. Le grand ordinateur
25. Combat de Titans
26. L’infini de l’espace
* numérisation 4k du négatif photochimique et respect du format carré 1.37 originel
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.