« Réception, diffusion, réappropriations »
sous la direction de Marie Pruvost-Delaspre
Éditions de L’Harmattan – 2016
222 pages
ISBN : 978-2-343-07993-6
En 1978, j’avais 7 ans et j’aurais très bien pu être l’un des gamins déguisés sur cette photo abîmée, laquelle est extraite du fameux article de Guy Lagorce, publié dans Paris Match le 19 janvier 1979 pour tenter d’expliquer à toute une frange de la population française pourquoi le tsunami Goldorak engendrait depuis le 3 juillet précédent un tel séisme sur la jeunesse téléphage de l’époque. Cet article, je le ressors régulièrement, lorsqu’on me demande de commenter la laborieuse infiltration de l’animation nipponne dans la culture hexagonale, car il en dit long, tant sur la lucidité vaguement visionnaire de son auteur que sur l’ignorance bien-pensante des prescripteurs de toutes sortes qui posèrent un regard aussi méprisant qu’incompétent sur le sujet durant les 30 années qui suivirent.
L’article se termine ainsi : « […] Violence, dites-vous ? Non, justement ! car en dépit de tant de bruit et de tant de fureur, et à la différence du moindre « western » et du moindre « policier », jamais au grand jamais, le sang ne coule dans « Goldorak » [ce qui n’est pas tout à fait exact, ndr]. Oui, les héros-robots sont chargés de toutes les passions vieilles comme l’humanité mais de leurs affrontements ne reste jamais sur le carreau, noircie et tordue, que de la ferraille. Pas de sang. Ils sont les vecteurs de nos vieilles passions et non point des martyrs. Peace and love ! Et si guerre il doit y avoir, que la fassent de nobles robots. Écoutez, parents, cette leçon… Écoutez-la bien, elle sonne l’heure des temps futurs. Je disais plus haut que Goldorak était né au Japon. En vérité, il est né aux frontières d’une autre vie. Une autre vie que pressentent nos enfants et à laquelle – comme le temps passe – ni vous ni moi n’auront un jour accès. Trop tard, camarades, trop tard... »
Ce livre collégial célèbre l’aboutissement d’un long processus digestif jalonné de rejets épidermiques, d’assimilations à l’emporte-pièce, d’éliminations arbitraires et d’inséminations bénéfiques dont les innombrables fruits éclosent un peu plus goûteux et un peu plus prometteurs chaque année.
Pendant que certains s’évertuent à fabriquer la mythologie d’un phénomène générationnel à coup de commémorations régressives conformes aux attentes d’une civilisation juvénilisée jusqu’à l’overdose (cible bénie pour la moindre stratégie marketing d’ampleur) , quelques universitaires plus ou moins trentenaires ont uni leurs efforts pour contextualiser, synthétiser, analyser et relativiser avec une acuité remarquable l’accomplissement de la « prophétie » de Lagorce.
Lequel aurait dû finalement terminer son article ainsi « Trop tôt, camarades, trop tôt... »
Sommaire :
Préface de Julien Bouvard
Avant-propos de Marie Pruvost-Delaspre
Première partie
Des « japoniaiseries » à l’anime : histoire d’une méprise ?
• L’animation japonaise en France avant le 3 juillet 1978, d’une évocation à l’autre
par Jacques Romero Vey
• Une découverte de la culture populaire japonaise sans mode d’emploi : l’arrivée en France des dessins animés de la Tôei
par Mathieu Gaulène
• Le boom des anime en Italie, 1978-1984 : l’exceptionnel succès de l’animation japonaise en Italie et les parallèles avec la France
par Marco Pellitteri
• Éléments d’analyse culturels d’une marque audiovisuelle en France : le cas de la franchise Naruto
par Jérémy Derhi
Deuxième partie
Enjeux de la diffusion : le Japon sur le marché français de l’animation
• Entretien avec René Borg
par Sébastien Denis
• Retour sur les débuts de la vente de cassettes vidéo d’anime en France
par Bounthavy Suvilay
• Distribution et promotion des films du studio Ghibli en France : stratégie marketing et logique sérielle, éléments d’analyse
par Clémence Allamand et Eva Morand
• Au nom des fans : l’animation japonaise sur les chaînes de télévision françaises
par Marie Pruvost-Delaspre
Troisième partie
Réception et regards contemporains : perspectives historique et critique
• Le DVD et la réception des anime en France : œuvres sérialisées à collectionner ou simple divertissement à suivre ?
par Ariane Beldi
• Le cinéma d’animation japonais en France : l’évolution d’un regard, de Akira (1991) à Paprika (2006)
par Mathieu Anderson
• L’appel du large
par Erwan Higuinen
Conclusion
par Marie Pruvost-Delaspre
> présentation-vidéo de l’ouvrage par Marie Pruvost-Delaspre
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