Le château solitaire dans le miroir

 

Un film de Keiichi Hara
Titre original : かがみの孤城
Année de sortie : 2022
Origine(s) : Japon
Sortie en salle françaises : le 13 septembre 2023

 

Où « le meilleur miroir ne reflète pas l’autre côté des choses. » (proverbe nippon)

 

 

Réaction à chaud

Les ados japonais ne vont pas bien. Ils ne sont pas les seuls mais il n’y a qu’au Japon que l’on s’est fait, depuis des lustres, une spécialité des bandes dessinées et œuvres animées capables de pourvoir autant de miroirs-béquilles aux jeunes lecteurs/spectateurs en mal-être. Ce n’est pas pour rien que – dès les années 80 pour ce qui concernent la France – des séries de romance domestique flirtant ou non avec le fantastique ont si rapidement et si durablement séduit un large public rapidement lassé par les japoniaiseries consuméristes de baston et de robots transformables.
Le dernier long métrage signé par le talentueux Keiichi Hara (Un été avec Coo, Colorful, Miss Hokusaï) vient donc apporter une nouvelle pierre lumineuse au registre des divertissements pour ados en perdition. Le château solitaire dans le miroir est l’adaptation de la série de manga de Taketomi Tomo (dessin) et Mizuki Tsujimura (scénario). Son esthétique impeccable, son animation solide et jamais tape-à-l’œil (pas de surenchère d’effets visuels, ni d’esbroufe prétentieuse à la Makoto Shinkaï), son scénario habile qui progresse subtilement du récit de bande juvénile livrée à elle-même au drame optimiste suffisamment pudique pour éviter le piège du pathos tout en suggérant le pire, concourent à la belle réussite de ce film fortement recommandable aux adultes qui persistent à ne pas entendre les petites ou grandes détresses qui tôt ou tard finissent par exploser individuellement, voire collectivement.
Les sept « petits chevreaux », protagonistes regroupés dans une forteresse métaphorique érigée au milieu du grand Nulle Part de la dépression, constituent le panel archétypal des tragédies (deuil, harcèlements moral et sexuel, pressions sociales multiples) qui peuvent affecter les enfants en transition, jusqu’à les pousser au suicide. Leur propre reflet est le sas d’accès à ce château solitaire.
Et, de l’autre côté du miroir, les attend une école alternative de l’existence, un cocon de réconfort collectif où le danger d’anéantissement rôde, un espace-temps instable de dépassement des traumatismes pour tenter de survivre, la mise en abyme d’une infinité de soi.

 

 

 

anima