Quoi ! Un film de Youri Norstein est visible en salle de cinéma en France ?
Le hérisson dans le brouillard (1979), le court métrage le plus accessible aux enfants de tous âges et sans doute le plus jubilatoire du maître russe, est en effet présenté depuis hier dans un programme de quatre films, avec La moufle de Roman Katchanov (1967), Il était une fois un chien d’Eduard Nazarov (1982) et Le lionceau et la tortue d’Inessa Kovalevskaya (1974).
Si la majorité de ces films a bien vieilli, l’ensemble constitue un excellent panel à montrer aux enfants et aux cinéphiles. Pour une fois, je dirais sans la moindre hésitation que rien que pour l’indémodable et inégalable film de Norstein sur grand écran, personne ne devrait regretter le prix de son billet. Peu élevé puisqu’il est peu probable que l’on retrouve ce programme à l’affiche des usines à spectateurs bouffeurs de pop-corns.
Sortie le 5 avril 2023
Plus d’infos
Éléments peints sur celluloïds découpés qui composent chaque “marionnette” du hérisson
Éprouver l’immersivité
Le hérisson dans le brouillard est l’adaptation animée d’un conte de Serguei Griogorievitch Kozlov, lequel a signé aussi le scénario du film, réalisé en 1975 par Youri Norstein, avec l’aide de son épouse Franceska Yarbousova (direction artistique), au sein des studios d’état – soviétiques à l’époque – Soyouzmoultfilm.
L’histoire est d’une simplicité déconcertante. Un petit hérisson se rend chez son ami l’ourson selon un rituel quotidien immuable pour prendre le thé, accompagné de confiture de framboise, pour contempler le ciel étoilé. Seulement ce soir, un brouillard épais enveloppe le chemin du hérisson qui perd ainsi tous ses repères. Tous ses sens sont mis à l’épreuve. Le danger rode mais de nombreux animaux bienveillants, réels ou irréels, veillent et sauront l’aider le moment venu.
Archétype du film d’animation hybridé – sans recours au moindre ordinateur – ce classique des classiques, “contes des contes” avant l’heure, combine dans un équilibre parfait dessins et peintures, éléments découpés, végétaux et prises de vues en continu, mouvements insolites, narration pondérée, bruitages subtiles et musique discrète. Norstein exploite à plein régime les ressources de sa caméra multiplane sur mesure, jouant brillamment avec les effets de profondeur de champs et de flou de mise au point pour immerger le spectateur aux côtés de son personnage aussi étonné qu’effrayé par la tournure inattendue de son aventure si banalement extraordinaire. Les apparitions spectrales du cheval, de l’éléphant, du poisson-sauveur et même de l’épagneul affriolé comptent parmi les fulgurances poétiques les plus remarquables de toute la production animée mondiale.
Peu de cinéastes d’animation ont réussi la prouesse de toucher aussi profondément des générations de spectateurs de tous âges avec une efficacité si naturelle.
Personnellement, je continue de considérer Le hérisson dans le brouillard comme l’un des meilleurs courts métrages d’animation de tous les temps. Je l’ai d’ailleurs choisi sans hésiter lors du 20e anniversaire d’anima en 2015 dans le trio des films animés dont je n’arrive pas à me lasser.
Tout ce que j’aime dans le cinéma d’animation est synthétisé dans ce film fascinant, ni plus, ni moins.
Ce film est disponible en ligne mais, de grâce, voyez-le au moins une fois dans votre vie au cinéma, ne serait-ce que pour comprendre la vanité des casques de réalité virtuelle.
Croquis de Youri Norstein pour expliquer la création des effets de brouillard grâce à son banc-titre multiplans.
Pour finir, une image poil-à-gratter :
La statue réalisée par Konstantin Skritutsky, qui trône dans le square de la rue Reitarska à Kiev,
est ici augmentée d’un malicieux et néanmoins tragique rappel à l’ordre.
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