Au-delà de sa richesse graphique et picturale, le rouleau peint dit des « Neuf dragons » appuie un peu plus sur la position dominante des artistes d’Extrême-Orient dans l’invention précoce d’un art narratif exceptionnellement dynamique. Dessiné vraisemblablement en 1244 (selon la date qui y figure) par le peintre de cour Chen Rong (Dynastie Song), cette superbe composition offre le spectacle d’une vision aussi naturaliste que fantastique d’animaux fabuleux dans leur environnement improbable. Émergeant du tumulte des nuages de haute montagne neuf dragons jouent à cache-cache dans des tourbillons de cumulus qui participe de l’organisation complexe de la composition d’ensemble qui se déploie sur plus de 10 mètres de longueur.
Bien qu’il soit difficile de lire dans ce déroulé un quelconque récit, sinon peut-être celui d’un cauchemar mystique, il me semble possible d’appliquer ici l’hypothèse que le dessin ait été conçu en tenant compte de l’effet d’entraînement provoqué par le mouvement (déroulement/enroulement) imposé au lecteur du rouleau. Car les formes sinusoïdales ou spirales stimulent l’accélération de la lecture pour créer l’illusion de la vitesse, laquelle constitue en soi une « intention cinétique » unique en son genre dans l’art figuratif mondial.