Le street art s’empare à bras le corps de l’animation et ce n’est absolument pas le fruit du hasard. Les outils de captation et de montage évoluent, se simplifient, se démocratisent certes, mais les artistes les plus opiniâtres (“opportunistes” hurlent les mauvaises langues !) de cette discipline y trouvent avant tout un moyen de rompre avec l’éphémérité intrinsèque de l’art des rues, s’octroyant au passage la possibilité d’un rayonnement plus large. C’est le moins que l’on puisse dire !
Dissocions deux approches de ce qui relève, aux yeux du commun des mortels, de la seule prouesse technique, la captation brute en timelaps et le filmage raisonné image-par-image.
La première option réside en la saisie photographique de l’écoulement d’une temporalité réelle (d’un “détournement de l’identité cinétique des phénomènes de la nature” pour citer Georges Sifianos), la seconde sous-tend une scénarisation cinématographique d’une irréalité temporelle, qualifiée généralement de “pixillation”. Mais dans les deux cas, le matériau reste le même : l’existant concret d’un mur badigeonné avec amour.
A l’occasion de la dernière édition du festival de film d’animation CutOut Fest (Quétaro, Mexique), le collectif Broken Fingaz (“doigts cassés”) a réalisé le film-performance, “La Fabrica”, empruntant la voie ouverte par Blu, la radicalité en moins, la couleur en plus.
Quelques jours avant la diffusion sur le Net de ce morceau de bravoure, la toile s’extasiait sur l’hyper-laps épileptique des australiens de Sofles. Elle éprouvait sans s’en rendre compte la synergie annoncée de longue date entre l’art séculaire de l’image animée, qui cherche désespérément à s’affranchir du vampirisme numérique, et de la pratique du graffiti désormais insatisfaite de la seule immobilité murale.
La liberté d’expression artistique n’a de sens que si elle repousse sans cesse ses propres limites. Les performers des rues sont certainement ceux qui expriment cet axiome le plus frontalement. Sauront-ils seulement résister aux sirènes de la récupération et de la cupidité ? C’est une autre interrogation existentielle, à laquelle Banksy a déjà fourni réponses (Faites le mur), des réponses pas optimistes du tout.
> visionner La Fabrica
> voir le cas de Limitless par le collectif Sofles