« L’homme blessé » de la grotte de Lascaux

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Quelle histoire est racontée par ce superbe dessin pariétal, pièce maîtresse de la grotte de Lascaux ?

Je suis toujours un peu surpris par les interprétations des archéologues et autres commentateurs distants exprimées devant cette représentation singulière parmi les fresques présentes dans ce sanctuaire de l’art préhistorique. La description des caractéristiques physionomiques de « l’homme blessé » le connecte généralement à l’oiseau perché sous lui, alors que, j’y vois sans la moindre ambivalence possible, et ce depuis mes cours de CM2, non pas un humain à tête d’oiseau mais un homme tombant et hurlant de douleur, la bouche grande ouverte. Et l’hypothétique érection m’apparaît de fait comme le détail qui aura peut-être motivé cette retranscription d’une scène de chasse banale à l’époque.
Je ne m’étalerai pas sur l’effet provoqué par un choc extrême sur le corps caverneux masculin, victime d’un brutal afflux sanguin, mais je vois dans ce détail un argument en faveur d’une théorie de plus en plus admise considérant plutôt notre « homme blessé » comme un « homme en train de tomber ». La bête (un bison probablement) vient d’être mortellement touchée par une lance, laquelle a libéré ses viscères. Fou de douleur, l’animal fait volte-face (la position de sa tête l’atteste) et se retourne contre son prédateur. La puissance de l’impact qui terrasse le chasseur est précisément le sujet potentiellement figuré ici.

Bien sûr, toute séduisante que soit cette hypothèse, aucune certitude ne prévaudra jamais quant à sa véracité. Toutefois, si l’expérience d’un graphiste/dessinateur/pédagogue en arts graphiques a un tant soit peu d’intérêt, veuillez entendre que l’exécution d’un croquis au charbon sur une surface rocheuse (sans parler des conditions initiales d’éclairage) impose naturellement une jonction de tracés pour signifier une mâchoire inférieure ouverte, dont les limites se fondent avec celles de l’épaule, créant ainsi un léger – et souvent involontaire – effet de perspective (effet ici perceptible dans la position des jambes du chasseur) qui peut aisément prêter à confusion.

Au 20e siècle, les cartoonists (dessinateurs de caricature) auraient probablement accentué l’expression du personnage mortellement blessé et tombant à la renverse ainsi :

Enfin, le plus remarquable dans cette représentation antédiluvienne, c’est son caractère documentaire.
L’artiste qui l’a réalisée a non seulement cherché à décrire fidèlement un événement à ses yeux extra-ordinaire, anomalie survenue dans la banalité de son quotidien, mais il a surtout figé l’instant fugace du paroxysme de ce terrible accident de chasse. Autrement dit, en forçant le trait, il s’agirait alors de la plus ancienne « proto-photographie » d’un « reporter » de terrain jamais conservée à ce jour. Tout discutable que soit cette interprétation, vous constaterez en regardant les peintures figuratives de la préhistoire – contemporaines de Lascaux ou plus récentes – qu’elle pourrait expliquer bien des images mystérieuses à nos yeux.

 

 

 

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