Libre ! et au-delà

 

N’en déplaise aux défenseuses et défenseurs d’une France repliée sur elle-même, manipulatrices et manipulateurs de peurs et de haines, et autres négationnistes de l’Histoire, du cataclysme écologique, de la marche naturelle du monde, certains signes ne trompent pas : tout n’est pas foutu !

Je visionne, aujourd’hui seulement, la captation d’une séance organisée en juin 2021, dans le cadre 5e édition des “Rencontres Documentaire et Animation” de Marmande (47), séance entièrement consacrée à la web série, “Libres !”, déjà largement évoquée dans “Desseins animés” ici, ou encore ici.
Depuis le tournage de l’entretien mené par Isabelle Vanini (Forum des Images) avec l’autrice/réalisatrice Ovidie, son coréalisateur Josselin Ronse et la productrice Sandrine Arnault (2 Minutes), l’audience de la web-série a pulvérisé tous les compteurs (plus de 20 millions de vues) et le lancement d’une deuxième saison a été actée au début de l’année par Arte.

En ce 24 avril (à l’issue encore incertaine à l’heure où je rédige cet article), j’ai envie de poser d’ores et déjà quelques constats, en perspective du formidable succès de “Libres !”.
Il existe donc un public, massif, pour une série animée comico-pédagogique qui parle de sexualité de manière crue et décomplexée. Ceci étant, bien entendu, tout sauf une surprise pour qui s’intéresse un temps soit peu à la question tabou de l’éducation sexuelle dans notre société contemporaine, éducation hypocritement déléguée à la pornographie (artificielle par essence et par nécessité).

Arte, chaîne publique franco-allemande, associée dans l’inconscient collectif européen à l’élitisme culturel, démocratise et amplifie spectaculairement son audience grâce aux séries. Son offre gratuite rivalise – en qualité plus qu’en quantité – avec celle des plateformes de streaming. Par ailleurs, le choix stratégique de proposer une série animée comme “Libres !” uniquement en ligne s’avère on ne peut plus payant.

Il y aurait donc un marché (ou un “créneau porteur”, pour les pudiques) pour la web série animée en France ! Qui plus est pour les contenus sériels abordant des sujets polémiques et néanmoins attractifs pour les ados comme pour les adultes. A quand une web série sur la colonisation ou sur la Guerre d’Algérie ?

L’animation à caractère “documentaire” (c-est-à-dire “traitant du réel”) n’est-elle pas plus qu’une tendance, qu’un hypothétique phénomène de mode ? La distance installée par l’animation entre la matière du réel et le spectateur, ne serait-elle pas propice à une appréhension efficiente de la complexité du monde ?

Le cinéma d’animation pourrait bien, par ce biais, s’affranchir définitivement de son carcan de registre de création dédié aux enfants et au divertissement infantile. En fait, j’en suis convaincu.

• Plus globalement, la libération de la parole (parole des femmes, parole féministe, parole politique), encadrée avec intelligence et bienveillance (sans pour autant exclure grossièreté et vulgarité), n’est-elle pas la meilleure réponse aux conceptions réactionnaires (conservatrices, traditionalistes, complotistes, obscurantistes) du monde ? Ces dernières s’expriment certes de manières tonitruantes et sont amplifiées par les caisses de résonance médiatiques débridées que sont les chaînes d’opinion et les réseaux (a)sociaux. Mais gagnent-elles la bataille du progrès culturel ?

 

Images d’illustration :
• extrait d’une feuille modèles de la série “Libres !” (2 Minutes)
• Dessin de Diglee, co-autrice avec Ovidie du livre illustré “Libres ! – Manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels” (Ed. Delcourt)

 

anima