Une seule image peut-elle synthétiser un film ?
Le photographe londonien Jason Shulman a résolu cette problématique en laissant ouvert le “diaphragme” de son appareil pendant toute la durée d’une cinquantaine de classiques de l’Histoire du cinéma.
Le résultat est instructif, au-delà de la seule esthétique abstraite des clichés ainsi obtenus, censés capturer l’âme des œuvres emblématiques du 7e art.
En isolant ci-dessous les films de dessins animés photographiés en pose longue par Shulman, à l’exception du court métrage de Chuck Jones (Guided Muscle, 1995), apparaît clairement la composition centripète dans laquelle la mise en scène des récits disneyens est, depuis Blanche-Neige et les sept nains (1937), scrupuleusement enfermée. L’action de chaque plan doit se situer au centre de l’image ; décors et dessins de mouvements y convergent, aidés par des couleurs et des éclairages confortant cette dynamique rassurante. On entre dans le film comme dans un livre de contes, rien n’existe hors de ses limites, la réalité n’y a aucune prise. Ce dogme vise autant à maintenir l’attention de tous les types de spectateurs, sans risque de les perdre en route, qu’à façonner un imaginaire passif et docile à souhait.
Jason Shulman s’est permis un unique écart au registre de l’animation hollywoodienne. La synthèse rémanente de Yellow Submarine traduit parfaitement l’esprit anticonformiste du long métrage psychédélique réalisé en 1968 par Georges Dunning.
A la toute fin de cette sélection, j’ai ajouté – non sans quelque arrière-pensées mesquines – les “saints-suaires photographiques” obtenues à partir de deux autres longs métrages en vues continues issus de répertoires radicalement différents. Tirez-en les conclusions qui s’imposent.
> visitez la galerie de films de Jason Shulman
Fantasia (1940)
Dumbo (1941)
Cendrillon (1950)
Alice au pays des merveilles (1951)
La Belle au bois dormant (1959)
Mary Poppins (1964)
Yellow Submarine (1968)
A gauche la composition centripète classique des films de Disney, où les poses, les regards, les mouvements invitent à converger vers le centre de l’image.
A droite, si l’action se situe toujours au milieu du cadre, les lignes de force de la composition du plan participent d’un agencement plus complexe, voire totalement désorganisé.
L’Évangile selon Saint-Mathieu (1964)
Deep Throat (1972)
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