L’irrationnelle sentence infligée pour “terrorisme” au producteur de la série animée Masameer County, Abdulaziz Al-Muzaini, à savoir 13 années de prison, assorties de 30 ans d’interdiction de quitter le territoire saoudien (source), si elle constitue un cas “extrémiste” de répression absurde de l’autodérision satirique, interroge notre propre considération de citoyen français à l’égard des œuvres de fiction animées porteuses du même type de critique politique et moqueuse de nos travers sociétaux, innombrables vous en conviendrez.
En effet, les productions animées qui osent s’aventurer sur ce terrain, grâce à la témérité de diffuseurs qui se comptent sur le doigt d’une seule main, sont si rares que même aseptisées elles apparaissent quasi-subversives et suscitent l’enthousiasme souvent disproportionné (;) des rares commentateurs avisés qui tentent de promouvoir leur caractère éminemment progressiste.
Songez que la série Les Simpson compte 35 saisons, oui 35, qu’elle continue d’être programmée sur les réseaux Fox et Disney+, malgré un premier, et peut-être un second, mandat Trumpiste ! Et qu’au moment où ces lignes sont rédigées aucun équivalent, ne serait-ce qu’à l’échelle d’une unique saison, n’a été produit et donc diffusé, dans le “pays des droits de l’Homme”. Personne, nadie, nessuno pour caricaturer – sans passer par le truchement de l’anachronisme bon-enfant totalement inoffensif – notre pathétique caste politicienne, le conformisme médiatique général et ses inclinations de plus en plus banalisées aux opinions ultra-réactionnaires, les réflexes post-colonialistes, le déni écologique organisé, l’idéologie techno-croyante libertarienne de la startup nation, le racisme et l’homophobie latents, le sexisme, le machisme et les violences faites aux femmes qui en découlent, et tant d’autres sujets sur lesquels un point de vue parodique aurait immédiatement valeur de vertu pédagogique.
D’ailleurs, oserait-on produire en France – avec le financement incontournable d’un ou plusieurs diffuseurs – une série comme Masameer County ?
Dans cette hypothèse très improbable jusqu’à preuve du contraire, une telle œuvre se serait-elle pas sous pression médiatico-politique constante et finalement sanctionnée, d’une manière ou d’une autre, directement ou indirectement (pour “éco-terrorisme” ou “déloyauté” par exemple au hasard), par nos instances gouvernementales “d’extrême-centre” si promptement effarouchées ?
Le cas en apparence exotique de Masameer County, fort de ses deux saisons, d’un long métrage live dérivé et de ses phénoménales succès d’audience (ceci expliquant en grande partie la sévérité de la répression terriblement injuste à l’encontre de son producteur historique) devrait nous alerter.
Mais trêve de moralisme rabat-joie. Place aux jeux !
Abdulaziz Al-Muzaini, producteur au sein du studio Myrkott, assis parmi ses personnages-vedettes
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