La dernière fois que je me suis risqué ici à l’exercice du best of rétrospectif, c’était en 2021, année durant laquelle j’avais renoué avec le visionnage intensif de films d’animation, à la faveur du COVID. L’année qui s’achève aura été moins accaparante à ce niveau. J’en suis ravi. Aussi ai-je découvert moins d’œuvres. Je m’en réjouis autant.
Pour parvenir à ce triptyque de favoris annuels couvrant les principaux formats accessibles à tous les publics (court et long métrages, série audiovisuelle), je me suis de nouveau astreint aux contraintes suivantes :
a) convoquer les œuvres qui me revenaient spontanément grâce aux émotions tenaces qu’elles ont su générer,
b) visionner à nouveau (quand cela est possible) ces œuvres pour m’assurer qu’elle me touchent toujours, au-delà du contexte de mon premier visionnage,
c) questionner les raisons qui me donnent envie de les transmettre aux spectateurs.
Et voilà le résultat, cette fois encore, sans appel :
Ye Kou Si Kuo de Lola Lefèvre (France)
Une fois n’est pas coutume, la bonne surprise m’est venue du registre du vidéo-clip musical. La petite centaine de courts métrages visionnés durant l’année 2024 dans des festivals et autres fenêtres audiovisuelles m’a laissé, au mieux, le plaisir d’expériences trop avant-gardistes pour être massivement partagées (comme le fascinant Misérable miracle de Ryo Orikasa), au pire, l’électroencéphalogramme intellectuelle quasiment plat.
Aussi, quand mes yeux ont piqué devant les 2’30 de débauche visuelle, flashy, grossièrement kitsch, de l’illustration animée du morceau festif des Naïve New Beaters (associés au Star Feminine Band), réalisée par la talentueuse Lola Lefèvre, j’ai vraiment pris un shoot de sérotonine des plus salutaires.
Au risque de me répéter – que voulez-vous, plus je vieillis, moins j’aime le superflu – la production animée internationale, et française spécifiquement, sont si désespérément timorées, insipides et boursoufflées d’ego jusqu’à l’écœurement que la vulgarité s’impose à mes yeux comme une échappatoire des plus précieuses.
• Le référencement de DeA en avril 2024
• Pour le visionner
Look Back de Kiyotaka Oshiyama (Japon)
En dépit de la désolante distribution du film en salles de cinéma (deux jours de fin de semaine en septembre dernier), l’impressionnant premier long métrage réalisé par Kiyotaka OSHIYAMA (retenez bien son nom !) ne pouvez que m’emballer. Tous les attendus habituels du registre de l’adaptation de manga, crise d’adolescentes à problèmes vite ramenées à leur servitude volontaire au patriarcat, sont ici déjoués pour traiter l’asocialité, le dogme de la réussite, la vanité de l’oubli de soi, l’injustice implacable du terrorisme aveugle, l’amitié que l’on ne sait pas chérir, avec une intelligence qui force le respect et me semble pouvoir (devoir !) inspirer les nouvelles générations de cinéastes de dessins animés qui cherchent de nouvelles voies.
L’animation japonaise industrielle et standardisée peut donc encore surprendre par son audace scénique et son culot narratif.
• L’article que je lui ai consacré en septembre 2024
Samuel d’Émilie Tronche (France)
Maintenant que cette série-antithèse flamboyante de la série blockbuster sur-animée (suivez mon regard !) a consensuellement fait l’unanimité chez les professionnel.le.s de la profession et les spectateurs avides de confiseries réconfortantes dans ce monde de brutes épaisses. Maintenant, que Samuel a fait de sa jeune réalisatrice le parangon de la sur-rentabilité du génie auteuriste épanoui à peu de frais. Maintenant, que les diffuseurs opportunistes n’aspirent plus qu’à de la « tranche-de-vie-adolescente-mélancolico-nostalgique-segmentable-en-capsules-pour-les-réseaux-sociaux-traitant-si-possible-avec-humour-des-enjeux-de-société-mais-pas-trop-car-faudrait-pas-brusquer-les-réac’ » (et ce n’est malheureusement pas une blague), il me paraît souhaitable/pertinent/utile à chacun.e de revoir cette première saison, pendant qu’il en est encore temps et avant qu’une encore hypothétique seconde saison vienne ruiner notre enthousiasme.
Car ce sont bien la fraîche spontanéité et l’unicité de cette œuvre qui pourraient l’inscrire durablement dans l’Histoire de l’animation française, rien de moins.
Le public en redemande. Il est roi. Pourvu que personne ne regrette d’avoir céder par facilité à ses exigences.
• L’article que je lui ai consacré en février 2024
• Pour le visionner la série sur Arte.tv
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